Aux innocents massacrés
J'étais innocent présumé,
ou peut-être pas, va savoir ?
J'étais un enfant de trois ans,
j'étais Un vieil Anglais
familier de la promenade;
nous, nous étions juste belles,
juste faites pour le bonheur,
et faut-il se méfier aussi
des jeunes filles en fleur ?
Et quelle peur auraient-ils eu
ce soir au bar des retraités
amateurs de karaoké ?
Nous, nous ne faisions que passer.
Ces trois-là étaient Japonais.
Pas mal de gens, aussi,
qui s'étaient dit CHARLIE
en janvier de l'autre année,
l'avaient oublié par la suite
en se pointant au Bataclan...
Mais à présent on se sentait
tellement protégés:
le ciel virant de l'orangé
à l'indigo sur les palmiers;
nous regardions la mer
aux reflets étoilés;
dans ses bras tu t'étais sentie
délivrée des emmerdements;
un autre maudissait la vie
sans savoir pourquoi ni comment;
plusieurs millions plantés
devant l'écran de leur télé
étaient à regarder comment
le monde va ou ne va pas -
on ne sait pas, ça dépendra
peut-être de la baraka ?
Voila ce que ce soir peut-être
ou peut-être pas, va savoir
ils se disaient tous dans le noir
et comme flottant hors du temps:
ah mais quel beau feu d'artifice
ce serait ce soir à Nice...
Lorsque a surgi le camion blanc.
(Ce matin du 15 juillet 2016)