GAGARINE DE LA MARINE
[...] Jean-Claude Pinson,
(l ittorini), bigorneaux
littorini's lubie qui a saisi Baudelaire à Moscou. Voulait absolument y déguster des bigorneaux. Besoin de recharger son organisme en magnésium, paraît-il.
On a eu beau lui dire qu'on n'était pas en Bretagne, pas à Tharon-Plage, qu'il mélangeait les cartes, etc. Rien n'y a fait.
Et évidemment, de bigorneaux, à Moscou, niet, zéro. D'iceux pas la moindre corne pointant à l'horizon son périscope.
Pas de quoi broyer du noir. Mais pas non plus d'autre solution que de se rabattre sur le mot et sa traduction. Séance lexicographique à mâchouiller des mots, bidouiller des étymologies. Dont il ressort, grosse déception, que ce n'est même pas un mot russe, mais latin. Un mot savant venu de Littré et non du slavon.
Vous auriez quand même pu vous en douter, a dit Leo. D'ailleurs, vous confondez : Linné, pas Littré.
et en effet ça sonne très lettré, littorina littorea. Un nom très classe pour une bestiole très ordinaire, cagouille des rivages, qu'on préfère imaginer en petit cosmonaute des bords de mer, en Gagarine de la marine, plutôt qu'en centurion romain.
On l'a même baptisé [...](Bigarine), inventant pour Alissa Nikolaiëvna une histoire où, échappant de justesse à la voracité des tourne-pierres, il ferme à double tour son opercule et, barricadé dans sa pas spatiale capsule, s'en va pour cent ans de solitude explorer les trous noirs de sa mémoire animale vieille de six cents millions d'années
Alphabet cyrillique, Éditions Champ Vallon, 01350 Ceyzérieu, 2016, page 164.