Le 17 novembre 2015, quelques jours après les attentats islamistes qui frappaient à nouveau la France, vous proclamiez dans un discours solennel prononcé devant les membres du Parlement réuni en Congrès à Versailles : « Nous sommes en guerre ». Profitant du climat d’union nationale qui prévalait alors dans le pays et qui occultait l’absence de réflexion et de décisions fortes qui auraient dû être prises après les attentats du début de l’année 2015, vous vous posiez en dernier rempart contre les dangers qui assaillent notre pays en même temps que vous endossiez le costume traditionnel de chef de guerre des présidents de la Vème République.
Or, il y a quelques jours, le 8 septembre, dans un climat politique malsain (ordonnance rendue par le gouvernement des juges du Conseil d’État sur l’affaire du burkini qui n’est pas de nature à apaiser une situation explosive, derniers sondages montrant que près de 9 Français sur 10 ne souhaitent pas que vous vous représentiez en 2017, dissensions qui éclatent au sein même du gouvernement avec notamment des départs fracassants…), vous décidiez d’intervenir.
Dans un discours qui relève du grand art, prononcé cette fois dans une salle de spectacle devant un public choisi, vous n’avez pas hésité à vous accorder des satisfecit en nous égrenant les « réussites » de votre action tout en critiquant vertement et avec une certaine ironie vos adversaires de droite. Mais, même si son objet annoncé portait sur la démocratie et le terrorisme, à l’évidence, votre intervention n’était justifiée que par votre besoin de « communiquer » et votre obsession d’occuper la scène médiatique, à un moment délicat, en annonçant sans le dire que vous êtes candidat à votre propre succession.
Dans ce numéro d’équilibriste auquel nous avons assisté, vous vous érigez en dernier garant de l’état de droit, vous référant à la Constitution que vous ne respectez d’ailleurs pas, revendiquant l’onction du suffrage universel, rappelant la Déclaration des droits de l’homme, y compris celle de 1789 mais en n’en retenant que les points qui vous intéressent. Force est cependant de constater qu’une telle « volonté » de votre part d’appliquer le « droit » alors que nous sommes en guerre ne peut que réjouir l’ennemi d’une telle faiblesse dans la gouvernance de la France. Il sait qu’il peut passer à l’étape suivante sans être inquiété outre-mesure.
Car l’état de droit que vous revendiquez à tout bout de champ constitue un alibi bien pratique pour, ne maîtrisant pas la situation, ne rien décider qui pourrait froisser certains, ne prendre aucun risque et donc ne rien entreprendre, mais tout cela au détriment de la sécurité et de la vie des Français que vous mettez ainsi en danger. On ne peut que constater les résultats d’une telle vision de la démocratie, impuissante et donc incapable de se dresser face à l’ennemi, alors même qu’elle est attaquée par ce dernier. Alors, incapable d’anticiper et donc soumis en permanence à la pression de l’événement, vous omettez de mentionner les conséquences de cette gouvernance en état de faiblesse. Et votre état de droit, du fait même de votre état de faiblesse, a conduit à l’état de non-droit.
Et les exemples de cet état de non-droit se multiplient. Après Calais et le Calaisis avec une situation non seulement dramatique aujourd’hui mais dangereuse avec les actions violentes et répétées des clandestins dont le nombre ne cesse d’augmenter, c’est à présent Paris, « Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé » la capitale, qui devient un Calais-bis, avec l’arrivée d’une centaine de clandestins chaque jour. Et les jungles se répandent dans d’autres grandes villes. Nous vous avions rappelé, le 3 mars dernier dans une lettre ouverte, à vos devoirs prescrits par l’article V de la Constitution et que vous semblez ignorer. C’est également l’état de non-droit avec ces multiples territoires perdus de la République où règnent la violence en bandes organisées et les règlements de compte à répétition comme à Marseille où on dénombre une dizaine de morts en un mois. C’est aussi l’état de non-droit avec une centaines de mosquées salafistes et leurs écoles coraniques, véritables madrassas où on enseigne la haine des non-musulmans. Votre responsabilité est donc sérieusement engagée car si vous déclarez être le garant de l’état de droit, vous ne l’appliquez finalement pas. En effet, le premier principe de l’état de droit c’est le respect de la loi et son application stricte sur tout le territoire.
« Nous sommes en guerre » avez-vous dit. Et vous avez décrété l’état d’urgence. Doit-on vous rappeler, Monsieur le Président, que l’état d’urgence est un régime d’exception permettant de prendre des mesures restreignant les libertés avec notamment la possibilité d’établir un couvre-feu, d’interdire les manifestations ou les rassemblements de personnes sur la voie publique, d’autoriser la fermeture des lieux publics (salles de spectacle, cafés ou salles de réunion), de fermer les lieux de culte où sont tenus des propos incitant à la haine, de décider du contrôle de la presse, des publications, des émissions de radio, de permettre des perquisitions à domicile de jour et de nuit, de donner le droit à la juridiction militaire de se saisir de certains crimes qui relèvent normalement de la cour d’assises, de fouiller les bagages et véhicules sans instruction du procureur.
N’y a-t-il pas une contradiction flagrante entre ces mesures d’exception qui restreignent les libertés pour assurer précisément la sécurité et la protection des citoyens que vous avez décidées et que vous n’appliquez pas et celles – l’état de droit – auxquelles vous vous référez en permanence ? État de droit que vous n’appliquez pas non plus puisque votre faiblesse et votre manque de courage conduit à l’état de non-droit, c’est à dire à la chienlit ?
Que dire, par ailleurs, de l’état de guerre qui doit être évoqué puisque nous sommes en guerre de votre propre aveu et par le fait que l’État islamique nous a bien déclaré la guerre ? Lorsque des menaces graves et immédiates pèsent sur le pays – c’est bien le cas aujourd’hui – le Président de la République a la faculté, en conformité avec la Constitution (articles 16 et 36), de prendre les mesures exigées par les circonstances. C’est lui qui décide, en sa qualité de chef des armées. En ne modifiant pas votre approche du problème et en refusant d’adapter l’état de droit au temps de guerre, vous vous dérobez à vos devoirs imposés pourtant par la Constitution.
Avez-vous songé, Monsieur le Président, que cette violation du devoir du chef de guerre qui constitue un manquement grave à l’exercice de votre mandat et donc de vos devoirs (que dit d’ailleurs à ce sujet la Constitution ?) a pour conséquence la mise en danger de la vie de vos concitoyens ? Comment pouvez-vous considérer que leur sécurité en temps de guerre ne prime pas sur votre « droit » qui a démontré qu’il conduisait à l’état de faiblesse lequel mène à l’état de non-droit ? Votre déni des réalités, votre aveuglement, votre incapacité à savoir décider vous ont empêché de prendre la mesure du danger et du message transmis par les islamistes lors des attentats de janvier 2015. Le résultat, la France l’a connu avec effroi et douleur le 13 novembre dernier. Depuis, elle a été frappée à nouveau de façon barbare et ignoble. Et elle le sera encore puisque vous refusez qu’elle se défende avec des armes adaptées à la situation de guerre et d’ailleurs en conformité avec la Constitution. Le tribunal, au moins celui de l’Histoire, sera très sévère à votre égard et on ne peut que souhaiter, pour le salut de la France, que dans quelques mois les Français vous renvoient vers d’autres occupations plus adaptées à vos compétences.
Ivan BLOT
Inspecteur général honoraire au ministère de l’Intérieur
coprésident des Volontaires Pour la France
Antoine Martinez
Général (2s) Armée de l’Air
coprésident des Volontaires Pour la France