Je demande à chacun des élèves de la quatrième dont je suis professeur principal d’écrire au tableau un mot qui, selon lui, résume l’année. Deux
termes recueillent une écrasante majorité de choix : « Amitié » et « Souvenirs ». Plein d’emphase, Bogdan a même lancé à ses camarades depuis l’estrade : « Je
vous aime tous », puis il a ajouté « sauf toi, Agit ». J’ai tenté de faire la synthèse : « C’est très bien, d’être copains, mais je me demande si en l’occurrence cette
excellente ambiance n’a pas joué contre vous. Vous étiez tellement bien ensemble que vous avez un peu oublié que le collège est un endroit où on vient d’abord pour travailler. C’est pour ça que
vous agacez presque tous vos profs. Vous êtes 22 et pas un seul d’entre vous n’a choisi un mot tel que "travail", "profs", "notes", "cours" ou "apprendre". » Sur quoi Fadel conclut avec
justesse : « En fait, c’est un peu comme si on s’en fout des cours. » Voilà. Le collège est avant tout un lieu de sociabilité adolescente.
Mme Rossignol, professeur de SVT : « Tu sais pas ce qu’elle m’a sorti Indira ? Oui, oui, t’as bien entendu, Indira Ranikalane m’a
parlé. Ça fait quatre ans que je l’ai comme élève, et elle avait jamais desserré les dents. Là, c’est sans doute notre dernier cours ensemble, elle traîne dans la classe, elle est la dernière, je
pense qu’elle veut me dire au revoir, que ça va être trop mignon. Je lui demande : "Tu as quelque chose à me dire, Indira ?" Alors elle rassemble son courage à deux mains, elle
s’approche de moi et elle me demande : "Madame, si un garçon couche avec une fille et qu’il lui met son pénis entre les fesses, est-ce qu’elle peut tomber enceinte ?" »
Rapport rédigé par Mme Moutechaud, professeur d’espagnol : « Sami se sert du cours d’un camarade pour essuyer ses mains pleines d’encre (voir document joint). »
En salle informatique, Enzo et Issam ont bien travaillé. Ils devaient trouver des illustrations à notre cours sur la vie de Jésus. Ils ont
choisi ceci,
ou cela :
Je les félicite pour leur goût. Ils me demandent innocemment : « Msieu, puisqu’on a fini avant les autres, on peut naviguer sur Internet ? » Allez-y, allez-y.
Dix minutes plus tard, voilà ce qu’ils font sortir de l’imprimante :
En salle des profs, monsieur Roquis et moi-même, complètement désoeuvrés, surfons sur le ouèbe, collectant maintes belles analyses sur les exploits des Bleus à l'Euro de foutchébôle. Soudain monsieur Malzieu interrompt nos réflexions :
-Eh beh dites donc, j'étais dans les toilettes, on entend absolument tout ce qui disait au conseil de classe dans la salle d'à côté. Les murs sont en carton.
-Ah oui mais ce que tu ne sais, mon enfant, c'est qu'eux aussi ils entendaient tout ce qui se passait dans les chiottes.
-Ouais, t'imagines, ils sont en train de lire le bulletin d'un élève, "Bon, Mohamed, y fait des efforts, mais il a du mal hein, 7 de moyenne générale c'est vraiment pas terrible..."
-Et là, au beau milieu d'un silence consterné : "Plouf" !
-C'est le redoublement assuré.
-Avec un avertissement conduite !