Jardin urbain = jardin toxique (2)

Publié le 09 octobre 2016 par Fracturedenuit

En 2012, je lisais un article dans le canard mentionnant la forte toxicité des légumes cultivés dans les jardins urbains à Berlin (cf post : jardin urbain= jardin toxique (1)), toxicité fortement liée à la pollution générée par le transport automobile et aboutissant à la contamination des plantes potagères par les métaux lourds (dont le plomb). Nous sommes en 2016, et du coup dans mon précédent post, je me demandais 1) ce qu’il en était en Suisse et 2) si les légumes cultivés dans les jardins urbains cultivés dans les quartiers pauvres n’étaient pas plus toxique que les autres.

Je n’ai pas de réponse à ces questions, du coup, je me suis lancée dans une petite recherche documentaire, que je vous relate ici, parce qu’elle me semble assez significative des aveuglements de notre société, de notre relative cécité face aux désastres écologiques, de nos vaines tentatives de croire que malgré tout, nous, chacun dans notre coin, individuellement, on va s’en sortir quand même. Avec des petits gestes tous simples, un peu de jardinage par exemple….Et ça, ça nous rassure.

Sauf que bon, dans la vraie vie et dans le vrai monde et avec la vraie chimie et biologie des sols, où tout se transforme mais rien ne disparaît par enchantement, et encore moins les métaux lourds, les « jardins urbains », c’est très loin du paradis. Et oui, nous vivons dans la très riche Europe, mais non, nous ne sommes pas épargnés par les conséquences de notre mode de vie. Il n’y a pas qu’en Chine où cultiver, ça craint. Je soupçonne qu’ici aussi, cela peut être très déconseillé.

Un petit tour sur Google

Je tape : pollution « jardin urbain » sur Google (qui sait évidemment que j’habite en Suisse – entre autres choses). J’obtiens des résultats un rien étrange. Par position, ça donne donc, au 9 oct. 2016 :

1er résultat :

– un article de consoglobe « Potagers urbains, quels risques de pollution ? », qui reprend plus en détail (et en français) les résultats de la même étude allemande de 2012 – ainsi, si vous habitez près de routes souvent embouteillées, la contamination de votre jardin sera d’autant plus élevée. L’article nous informe que la pratique du jardinage urbain est en forte hausse ; on nous précise que l’étude allemande est «controversée» sans bien sûr, dire comment les chercheurs berlinois ont répondu à cette controverse.

2ème résultat : – un article de maisonnature.ch qui nous explique que les jardins que l’on partage avec ses voisins, c’est génial. Aucune allusion à l’étude berlinoise.
3ème résultat :

– un document pdf intitulé « Jardins urbains, environnement et santé : la pollution des sols« , édité en 2015 par la ville de Lyon, qui rappelle fort à propos «(qu’)en milieu urbain, les sources de pollution sont variées. Le sol garde « la mémoire » des activités et des pollutions passées.» Et que malheureusement : «(…) certains polluants peuvent migrer du sol vers la plante cultivée
Par conséquent, la ville de Lyon recommande aux jardiniers de faire réaliser une «étude historique et documentaire» par un spécialiste en cas de suspicion de pollution. Dans tous les cas, la ville de Lyon recommande aux adultes de veiller à ce que les jeunes enfants ne jouent pas sur les sols nus (bon courage, les parents!) et – au vu de la toxicité du plomb : «de ne pas proposer les productions végétales aux femmes enceintes et aux jeunes enfants si des niveaux significatifs de plomb ont été détectés dans le jardin». Courage, fuyons !

Là encore, l’étude berlinoise relative à la pollution automobile n’est pas mentionnée. La pollution automobile n’est pas mise en exergue comme facteur de risque. Elle doit sans doute être comprise comme faisant partie des «retombées atmosphériques industrielles ou urbaines» mentionnées dans ledit document. « Jardins urbains, environnement et santé : la pollution des sols » est cependant informatif. Il s’agit d’un document officiel de la ville de Lyon et l’on peut au moins reconnaître à cette ville la volonté d’informer ses citoyens.

Par ailleurs, on se doute bien que de faire réaliser par un spécialiste une étude historique et documentaire sur la qualité des sols que l’on souhaite cultiver entraîne des coûts (importants ?) et qu’il est difficile pour le citoyen lambda de savoir quand une telle étude se justifie. Cela dit, la lecture attentive du document devrait nous faire conclure qu’une telle étude est a priori justifiée en milieu urbain, au vu de toutes les sources de pollution variées mentionnées et de la propriété du sol à garder la mémoire des pollutions.

4ème résultat :
sur le site des fameux colibris : un lien direct sur leur page«Revégétaliser l’urbain». Les jardins en pleine ville, au milieu des sources de pollution variées et entourés des retombées en métaux lourds de la circulation automobile ? C’est juste trop génial pour les colibris !

Aucune mention du possible risque de toxicité. La page va jusqu’à nous recommander de semer des graines «dans des endroits improbables». Pas un mot sur l’étude allemande, pas un mot sur la possible contamination des sols. Allô, les colibris ? Vous savez qu’il y a des voitures et des camions dans les villes et les villages de la douce France ?