Magazine Humeur

jardin urbain = jardin toxique (1)

Publié le 09 octobre 2016 par Fracturedenuit
jardin urbain = jardin toxique (1)

Jardin urbain à Gent (BE), photo Lamiot, Wikimedia commons

Jusqu’au 22 août 2012, j’ai cultivé des tomates cerises, de la menthe (avec succès), du basilic (moyen),  de la verveine citronnée, j’ai aussi tenté les courgettes, d’autres légumes, bref, un peu de tout, le maximum possible sur mon balcon. En bio, évidemment. Les tomates avaient un goût divin, le reste, c’était pas mal aussi. Alors j’en parsemais mes salades en toute bonne conscience. Prochaine étape : tenter d’outrepasser mon dégoût pour tout ce qui ressemble à des vers pour me mettre … au lombricompostage. Objectif : diminuer ma pollution tout en augmentant la fertilité de mon grand bac à fleur. Mon père était enthousiaste. Il m’avait déjà passé commande pour que je lui refile par la suite quelques vers pour son propre compost et ses roses chéries.

Et puis patatras, j’ai lu l’article « Ciel mon jardin » du Canard enchaîné, daté du mercredi 22 août 2012. Dans le canard, il y a chaque semaine au moins un article de vulgarisation accessible aux gens avec une culture scientifique plutôt minimaliste, généralement en page 4. Quand on lit ça, on ne sait plus trop quoi manger, ni comment l’humanité va pouvoir survivre au pic pétrolier ou au changement climatique à plus 3°. La seule consolation est que cette lecture protège contre les arnaques les plus grossières de l’industrie agro-alimentaire.

Ce mercredi-là 22 août donc , l’article résumait une recherche parue dans la revue « Environnemental Pollution » : des chercheurs en botanique de l’Université technique de Berlin avaient analysé la composition de 28 potagers urbains plantés sur les toits de cette ville. Et le canard de nous informer que : « (…) Les légumes sont fortement contaminés aux métaux lourds, au point que leur consommation peut présenter un risque significatif pour la santé (..). » (p.4)

Et pourquoi ça ?

«La faute à la pollution auto. Moins l’immeuble est haut et plus le nombre de voitures qui roulent en bas est important, plus la récolte est polluée».

Les chercheurs berlinois ont comparés les échantillons provenant de ces jardins et ceux de culture traditionnelle (et donc non bio) vendus en grande surface. Le résultat s’avère catastrophique. Comparées aux légumes « standards », les carottes des potagers urbains contiennent 4, 7 fois plus de plomb, 3,3 plus de cuivre et 3,2 plus de cadmium, quant aux betteraves, elles contiennent 6,1 fois plus de zinc et 5,3 fois plus de plomb. D’ailleurs, pour le plomb, c’est bien simple «52 % des échantillons cueillis sur les toits dépassent les limites fixées par l’Union européenne.» (Le canard enchaîné, 22 août 2012, p.4).

J’ai laissé sécher sur pied ma récolte et remis à plus tard mes projets de lombricompostage. J’ai planté des géraniums vivaces qui ont au moins l’avantage d’importuner les moustiques ; planté de la lavande aussi , qui sent bon et ne se mange pas. Adieu tisanes maison. Adieu basilic. Bonjour culpabilité. La contamination au plomb, c’est catastrophique pour les jeunes enfants, pas bon pour les adultes non plus.

Encore plus dangereux en Suisse ?

Berlin, j’y suis allée plusieurs fois. C’est plus développement durable. Il y a des pistes cyclables un peu partout. Un réseau de transports publics performants, même dans les quartiers périphériques, les banlieues populaires. Toutes les zones d’habitation sont limitées depuis longtemps à 30 km/h. De vastes zones piétonnières. Pas mal de parcs. Des vrais avec plein d’arbres et de buissons, pas des parcs à la parisienne, avec du gravier et pas grand chose d’autres. Et personne ne songe à plaisanter avec les limitations de vitesse. C’est plein d’enfants qui se baladent à vélo, tu vas pas tuer les enfants de tes voisins. Bref,  si leurs jardins urbains sont pollués, qu’en est-il des nôtres, ici en Suisse ?

Spécialement dangereux pour les pauvres ?

Parce que les rares logements sociaux existants, ils ont la fâcheuse tendance à être construits tout près des autoroutes, certes avec des murs anti-bruit, mais pas anti-plomb, pas anti-zinc, pas  anti-cadmium et pas anti-métaux lourds. Ou alors les pauvres ils habitent en ville, mais pas dans les tranquilles zones villas. Non, eux leurs fenêtres et leurs balcons donnent bien souvent sur des routes très passantes, pleines de voiture et de camions, de l’aurore à la nuit.
Et puis aussi, ils habitent en bas des immeubles, comme moi. Parce que les petits appartements, les moins chers, ils sont en bas. Ils sont en bas et ils sont moins chers parce qu’il y a moins de vue, et la vue, ça se paie. Manque de pot  : «Moins l’immeuble est haut et plus le nombre de voitures qui roulent en bas est important, plus la récolte est polluée» (cf supra).

Bref, plus vous êtes pauvre, plus vous avez de risques que votre récolte de votre « jardin familial » au pied de votre immeuble ou sur votre balcon soit HYPER toxique.
Le jardin bio, c’est sympa, mais plutôt pour les riches, ceux des zones villas et des résidences à la campagne, ceux qui transitent chaque jour de leur boulot à leur bureau en ville, juste là, devant chez vous.

Les légumes, c’est méga cher, les petites herbettes potagères aussi. Faites la croix dessus ou acheter bio  à 2.- l’emballage avec du goût, ou toutes sèches avec beaucoup moins de goût et peut-être aussi contaminées. C’est ça votre choix. Non, le jardin, c’est pas un bon plan pour économiser. A priori.

Vous avez des infos ? Je suis preneuse !! En attendant, je surfe et je vous dirai ce que je trouve.



Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine