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Pour tout dire (55)

Publié le 14 octobre 2016 par Jlk

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À propos de la confusion et du chaos planifié. Le Nobel des bouffons et la sarabande des "il faut", à la télé romande, pour sauver les martyrs de Syrie et d'ailleurs. L’impossible TOUT DIRE de la littérature en matière de politique, malgré Shakespeare et Dante. Où l’on invoque un nouveau Dunant, retrouvé par Daniel de Roulet sur les rives du lac de Constance. Quand Henry Dunant, premier prix Nobel de la Paix en 1901, fait ami-ami avec Bob Dylan...

On ne sait plus où donner de la tête, disait hier soir mon coeur à ma raison.
"On se sent dépassés, même le Président Obama a l'air dépassé", soupirait il y a quelque temps mon vieil ami le sage historien Alfred Berchtold, faisant écho à un autre téléphone, peu avant sa dernière révérence à note cher monde, avec le marcheur du désert Théodore Monod auquel je demandais quel avenir il voyait à notre non moins chère humanité: "Eh bien, mon cher, je ne suis pas sûr que cette idiote ait le moindre avenir, au contraire de certaines espèces d'insectes qui s'en tireront peut-être avant la prochaine glaciation".

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Cette sensation de tituber au bord d'un gouffre d'où montaient la rumeur confuse d'un concert de rock mondial et d'un débat inextricable entre gens de bonne volonté (mais si...) m'est venue en ce jeudi soir de la nomination de Bob Dylan au titre de Nobel de la littérature 2016, alors que je me repassais l'enregistrement du débat télévisé de la télé romande, à l’enseigne d’Infrarouge, consacré à la tragédie syrienne et conclu sur un beau bouquet d'"il faut" offerte aux martyrs d'Alep et environ: il faut que cesse tout de suite le carnage, il faut obliger les parties en conflit à se plier aux Conventions de Genève, il faut interdire le droit de veto au Conseil de sécurité, mais non tout faux: il faut réformer le Conseil de sécurité, il faut reconnaître que TOUS les belligérants actuels sont coupables et passibles d'un procès devant un Tribunal international, ce qu'attendant il nous faudrait un nouveau Dunant, etc.


Le TOUT DIRE de la littérature en matière politique est, sans parti pris, strictement inimaginable, si l'on excepte un Shakespeare, et encore, ou un Homère, ou un Dante et quelques autres. Or nous voici à l'heure des bombardements pacifistes des Russes et des Ricains massacrant des civils sous prétexte d'éradiquer un mal que leur rapacité respective a créé comme le monstre de Frankenstein, cependant que tourne à l'infini le Desolation row de Bob Dylan sur un vieux pick up rescapé des années 70.

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C'est entendu: Bob Dylan est l'un de nos plus chers oiseaux de jeunesse, et sa voix et le contenu plus ou moins compris (!) de ses protest songs fait partie de notre mythologie, mais le hisser soudain au rang d'un Shakespeare à guitare, comme s'y emploie un académicien français, m'a paru aussi grotesque, voire traître par rapport à la double réalité de Dylan et du Big Will, à tout le moins propre à conforter une confusion totale par nivellement et recyclage dans le pire style de la récupération consumériste.
Les bombes pacifistes américaines pleuvent sur les civils alors qu'un historien français nous rappelle que les States n'ont plus gagné une seule guerre depuis qu'ils ont perdu celle du Vietnam, et les bombes russes ne sont pas en reste, ni le cynisme proportionné de l'Arabie saoudite et des affairistes français ou suisses collaborant avec celle-ci, sans parler des antécédents coloniaux britannique et français qui ont toujours pratiqué le règne par la division - ainsi que le rappelle l'un des livres les plus importants de la rentrée littéraire “française”, ce Judas d'Amos Oz qui me rappelle que l'année même où je venais au monde, en 1947, un visionnaire authentiquement pacifiste, en la personne de Shaltiel Abravanel, s'opposait à la politique anti-arabe d'un Ben Gourion en lui prédisant un avenir de feu et de sang - Alep et Gaza même “combat”...

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Les opinions les plus contradictoires s'expriment dans le roman d'Amos Oz, qui aurait fait un Nobel de littérature d'une autre stature que le baladin américain, et c'est ce qui caractérise le TOUT DIRE du roman, non par acclimatation du tout et n'importe quoi mais par souci d'incarner les idées en présence et de mieux essayer de comprendre une réalité hors de toute simplification idéologique ou politique.
Autour de la table d'Infrarouge, il y avait des femmes et des hommes (à commencer par Carla Del Ponte et Jean Ziegler) dont les destinées respectives pourraient nourrir un roman au même titre que le pourraient les destinées respectives des lettrés mondialement inconnus de l'académie de Stockholm.

Autour de la table d'Infrarouge siégeait, aussi Robert Mardini, le directeur du CICR pour le Moyen-Orient qui, d'entrée de jeu insista sur le sort des civils d'Alep livrés au carnage en dépit des Conventions de Genève symbolisant l'effort des hommes de protéger les civils en cas de guerre. Et d'en appeler à un nouveau Dunant.
Le TOUT DIRE de la Suisse la traverse de part en part , de Genève au lac de Constance: de Genève où à vécu Le bourgeois Henry Dunant et d'où il s'est fait éjecter pour faillite frauduleuse, à Haiden où il finit ses jeunes vieux jours en contemplant le lac dont le peintre Hodler disait qu'il est "un paysage planétaire ".

J'ai retrouvé mon ami Daniel de Roulet , dans la chronique de La Suisse de travers où il évoque Henry Dunant au fil du parcours qui relie le bourg appenzellois d'Urnäsch et la bourgade riveraine de Rorschach via le village Pestalozzi des abords de Trogen.
Henry Dunant, le bourgeois choqué par le massacre de Solférino et décidant crânement d’”humaniser les guerres" , ou Pestalozzi le pédagogue accueillant les enfants abandonnés, ou encore Carla del Ponte et Jean Ziegler rejoints par mon ex-confrères Guy Mettan passionné de culture russe: tels seraient d'autres figures emblématique d'un TOUT DIRE littéraire consacré à la Suisse dégagée de ses clichés.
Dans un roman phénoménologique où les enseignants de centre gauche suisses ne ricaneront plus à la seule évocation des noms de Guillaume Tell (auquel Guy Mettan consacra une pièce de théâtre et Alfred Berchtold un essai illustrant le rayonnement mondial du mythique personnage nordico-suisse), la fiction se gorgera de la réalité multiculturelle de ce conglomérat de petites nations dépassant leur hybris en esquisse d'Europe, après des siècles de tueries à motifs religieux maquillant d'autres sempiternelles motivations de voisinage ou d'envie basse.
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Retour à mon ami Daniel de Roulet, aussi fils de pasteur qu'Etienne Barilier ou que Friedrich Durrenmatt , tous trois également typiques d'une littérature Suisse; retour à mon ami Jean Ziegler, ex-camarade révolutionnaire de Che Guevara et secrétaire du Prix des droits de l'homme institué par son ex-pote Khadafi (je n'invente rien de ce réel dépassant la fiction), et dont je me suis rapproché à la parution de son mémorable Bonheur d'être Suisse, ou encore à la géante de ce conte fantastique incarnée par Carla del Ponte, tous figurant les descendants de nos résistants de la forêt des cantons primitifs - retour donc à Daniel de Roulet au village Pestallozzi actuel et au fondateur de la Croix-Rouge:" Le village Pestalozzi, à l'écart de Trogen, recueille des enfants du monde entier. Quand ils grandissent, tibétains ou péruviens, ils aiment tellement la région qu'ils en deviennent appenzellois de souche, attablés comme ce soir au bistrot devant un alcool aux herbes, spécialité du cru".

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Daniel de Roulet raconte ensuite, après s'être cogné la tête (il est grand) au linteau de la porte de sa chambre d'hôtel appenzellois (ils sont petits ), une compresse froide sur le front, comment Henry Dunant, après un apprentissage de banquier et des investissements dans l'Algérie conquise depuis peu, prit la nationalité française, chercha les faveurs de Napoléon III et, plouf, tomba "en touriste " dans la marmite infernale de la bataille de Solférino, 38.000 soldats ou blessés en deux jours, pas pire qu'Alep mais de quoi secouer un bourgeois genevois, ainsi qu'il le raconte dans le saisissant Souvenir de Solférino publié à compte d'auteur à 1600 exemplaires qu'il distribua autour de lui "pour promouvoir l'idée d'un protocole qui "humanise la guerre".

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Bref , la Croix-Rouge est créé en 1863 et en 1864, la première Convention de Genève est signée par douze États, trois ans avant que Dunant ne soit déclaré persona non grata à Genève, où le député socialo Jean Ziegler , un siècle et des poussières plus tard, perdit son immunité parlementaire après la parution de La Suisse lave plus blanc, à l'instigation d'une certaine Carla Del ponte, sa collègue actuelle dans le dédale onusien des droits de l'homme - vous suivez au fond de la classe ?
Mais comme il y a une justice dans la pétaudière mondiale, à laquelle dame Carla à notoirement contribué, Henry Dunant, en 1901, fut gratifié du Nobel, non pas du protest song bluesy frotté de rock mais de la paix, en même temps que Sully Prudhomme inaugurait la procession plus ou moins boiteuse des Nobel de littérature, etc.


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