Samson et Dalila à l’Opéra de Paris

Publié le 25 octobre 2016 par Stella

Il y a, parait-il, presque vingt ans que Samson et Dalila, l’opéra de Camille Saint-Saëns,  n’avait pas été joué à l’Opéra de Paris. J’aime les événements de ce genre, parce qu’alors, on croise dans les travées de l’opéra des gens qui discutent de spectacles d’un autre temps, rendant ainsi presque historique une soirée qui aurait pu être « normale ».

J’ai donc eu la chance d’avoir une excellente place à l’opéra Bastille, et de profiter de cette jeune soprano géorgienne nommée Anita Rachvelichvili, que je trouve très prometteuse. Elle manque encore d’un peu de maturité, mais sa tessiture s’approche de celle d’une Montserrat Caballe, ou de Régine Crespin. Son amplitude est remarquable, dominant le chœur – important – avec une aisance que je n’ai pas entendue depuis longtemps. Elle a aussi suffisamment de nuances pour mener à bien le deuxième acte, celui de la scène d’amour avec Samson, qui nécessite une tendresse qui contraste très fortement avec les scènes violentes des actes Un et surtout Trois.

Le ténor, Aleksandr Antonenko, était bon comédien et faisait passer dans son jeu ce qu’il avait parfois du mal à traduire par sa voix. Lui était un peu trop égal dans le ton, mais lui aussi est relativement jeune et on peut donc penser qu’il évoluera.

Quant à la mise en scène, contemporaine, elle est correcte, sans plus. Le décor ne sert pas particulièrement l’intrigue, et ceux qui ont vu Moses und Aron, d’Arnold Schönberg, sur cette même scène regretteront Roméo Castellucci et ses trouvailles grandioses.

Un dernier mot, enfin, sur l’histoire elle-même. Inspirée par le récit biblique situé dans le Livre des Juges, elle raconte comment Samson, juge – ce qui, dans l’histoire des Hébreux dans le Proche-Orient ancien, est grosso modo équivalent à la fonction de roi – est séduit par Dalila, princesse philistine. A cette époque, le peuple hébreu vit sous l’oppression des philistins. Samson, consacré à Yahwé dès sa conception, tire sa force de la présence de sa chevelure. Dalila va lui extorquer ce secret au seul moyen de ses charmes et de ses mots d’amour – le fameux acte Deux – et sitôt qu’elle le connaît, livre le pauvre Samson aux Philistins. La scène finale voit Samson, dont les cheveux commencent à repousser, renverser le temple de ses mains…

C’est à la fois une histoire de trahison, celle de la femme aimée qui n’est en réalité que duplicité et fourberie et une leçon pour Israël (sous-entendu : les Hébreux) : s’il sacrifie aux dieux étrangers et renie le Dieu d’Abraham et de Jacob, il ne peut lui arriver que du malheur. Tout cela est très manichéen, bien sûr, mais mon propos n’est pas ici d’évaluer l’argument. Reste le spectacle, très bon. Je ne regretterai qu’une seule chose : le prix exorbitant des places !