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Pour tout dire (68)

Publié le 27 octobre 2016 par Jlk

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À propos d'un redoutable emmerdeur familial et du chat Tobermory. De l'irrésistible besoin parfois de TOUT DIRE à propos de ses proches, en mal ou en bien...


La famille est le premier théâtre, d'abord castelet de marionnettes et ensuite scène élargie à l'italienne, où nous nous familiarisons avec la comédie humaine entre chuchotements et cris, scènes comiques ou dramatiques, tantôt avec masques et tantôt à faciès découverts.
Or lisant le très épatant petit roman d'Emmanuel Venet paru récemment chez Verdier sous le titre de Marcher droit, tourner en rond, je me suis rappelé le non moins irrésistible Tobermory, ce chat doté de parole par son maître écrivain Saki (alias H.H. Munro) qui lui fait dire tout haut ce qu'il pense des bipèdes qu'il observe tout bas, quitte à éventer moult secrets de famille ou de société.


S'il y a du Tobermory chez le narrateur de Marcher droit, tourner en rond, c'est, plutôt qu'un chat facétieux : un drôle d'oiseau que ce passionné de Scrabble et de catastrophes aériennes, atteint en outre du syndrome d'Asperger, donc à la limite de l'autisme mais pas vraiment, intellectuellement performant et d'une lucidité à pointe de laser mais d'une sociabilité inférieure à celle du bonobo moyen.

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Sans être un amateur de déballage public de saletés ancillaires, ledit narrateur n'en est pas moins rétif au maquillage hypocrite des faits, et c'est pourquoi, assistant à son quatrième enterrement à l'âge de 45 ans, il s'indigne d'entendre l'éloge absolument tendancieux, voire outrageusement fallacieux de sa défunte grand-mère Marguerite, par une dame Vauquelin de la Pastorale diocésaine qui, sans l'avoir jamais rencontrée, la présente comme une belle âme généreuse et comme une femme de gauche alors que c'était une vraie peste cousue de préjugés mesquins.
En cassant le morceau à propos de sa grand-mère Marguerite, qui a cocufié son Adrien avant d'encourager son alcoolisme pour avoir la paix, le narrateur entreprend un tableau de groupe carabiné à la Dubout (où plutôt à la Deschiens, pas loin d'un Houellebecq), dont la verve va de pair avec l'élégance déliée d'un Marcel Aymé.
Aves le défilé des parents et alliés, oncles et tantes (au propre et au figuré vu que le fils de la tante Solange est gay au dam de Marguerite qui n'est tolérante que dans son éloge funèbre), c'est toute une France actuelle et toute une société contemporaine que l'auteur passe en revue non sans goriller la langue de coton qui transforme un balayeur débonnaire en technicien de surface.
La Famille française d'Emmanuel Venet pourrait être suisse romande ou wallonne, suédoise ou canadienne, mais la patte de l'auteur, son humour et le raccourci de ses formules, ressortissent bel et bien au génie clair et prompt de notre langue.
Ah mais il y a trois heures que Lady L. a été emmenée en salle d'opération pour une intervention relativement bénigne mais nécessaire à la jambe droite (fracture du péroné et complications ligamentaires) , et le ciel dégagé des brumes matinales m'incline à penser qu'elle aussi émerge des vapes.
Donc revenons à de meilleurs sentiment vu qu'il n'ya pas que de la haine dans les familles et qu'on peut cesser de tourner en rond en parlant droit, etc.


Emmanuel Venet. Marcher droit, tourner en rond. Verdier, 122p, 2016.
Saki (H.H. Munro), Nouvelles complètes, traduites par Gérard Joulié. L'Age d'Homme, 662p.

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