21 novembre 1870 T rès mince très fine missive expédiée de Paris vers Londres par la voie des airs... En pleine guerre franco-prussienne. En 1870. De Paris assiégé par les armées teutoniques. Lettre mince fine légère de cinq ou sept grammes sur une seule page de papier pelure. Obligatoire vu le moyen d'acheminement imposé par les événements, Avant l'aviation ! Avant la poste aérienne ! Paris assiégé et les montgolfières devinrent postales pour quelques milliers de lettres. L'astuce des hommes ! La compagnie des Aérostiers de Nadar et ses amis se chargèrent à merveille de cette mission. Presque tous les ballons accompagnés ou non arrivèrent à passer par-dessus les lignes ennemies et à se poser en un quelconque coin de France. Parfois un peu plus loin, en Belgique, en Finlande. Les missives alors distribuées naturellement par la Poste. Quelques-uns de ces ballons furent attaqués et descendus par les armées allemandes, d'autres se perdirent en mer. Comme celui qui transporta la lettre d'Adèle, la mère, à Claude, la fille, expédiée de Paris le 24 novembre 1870, bureau de poste Place de la Madeleine, adressée à Mademoiselle Claude, chez une amie, Madame Goupil résidant alors au Royaume-Uni. Arrivée le 12 décembre de la même année après un séjour dans les eaux glacées de la Mer du Nord, aérostat dénommé Ville d'Orléans. Tous baptisés pour marquer l'intégrité du territoire sous les bombes assaillantes. Du séjour en eaux noires et nordiques, peu de traces, simplement la disparition du timbre-poste dans le coin supérieur droit. L'employé parisien avait pourtant bien apposé le cachet de port payé PD en rouge, petit cadre rectangulaire. La lettre n'est taxée qu'à son arrivée en terre anglaise. L'administration sans doute avertie agit avec une mansuétude bien rare à cette époque. Malgré les aléas de ce transport houleux et périlleux, la Demoiselle Claude obtient des bonnes nouvelles de sa famille restée en France occupée. Ses parents lui écrivirent tous les jours par le même moyen aérien. Ils sont bien à plaindre, ils attendent " le grand coup qui les délivrera " lui écrit sa " vieille petite mère Adèle " qui lui recommande d'être " tranquille et bien raisonnable " et lui dit le bien-être de ses oncle et tante... etc... etc. Léger babillage même en temps de guerre ! Il faut bien passer le temps quand on est prisonnier des prussiens ! Petite bourgeoisie qui sait lire et écrire, qui poste son courrier vers la fille protégée mise à l'abri à Londres, peut-être... Jacques Brémond,
Lettres perdues, Courriers accidentés, Rougier V. éd., Collection Plis urgents, n° 41, complément de la revue ficelle, 2016, pp. 7-8-9.