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Hans Op de Beek, le Maître du décor mélancolique

Publié le 28 octobre 2016 par Masmoulin
Hans Op de Beek, Staging Silence (2), 2013, vidéo NB, 20'48

Hans Op de Beek, Staging Silence (2), 2013, vidéo NB, 20’48 »

en espagnol

Peut-être faut-il commencer par la vidéo Staging Silence (2) dans l’exposition que le 104 consacre à Op de Beek (jusqu’au 31 décembre), car c’est là que l’artiste flamand démontre sa construction du décor. Ce n’est pas un « making of », mais une longue vidéo douce et poétique où les mains de l’artiste entrent dans le champ et construisent des décors tout simple, avec les moyens du bord, loin de toute sophistication technologique. Le sucre figure la neige, les immeubles sont des bouteilles en plastique, des morceaux de sucre ou des tablettes de chocolat, les rochers des pommes de terre et les nuages de la ouate. Tout ici est artifice léger, illusion douce, mais surtout la posture de l’artiste comme concepteur de décors est clairement énoncée.

Hans Op de Beek, The Lounge, 2014, installation bois, verre, plâtre, pigment, epoxy, 381,6x280,3x181,9cm

Hans Op de Beek, The Lounge, 2014, installation bois, verre, plâtre, pigment, époxy, 381,6×280,3×181,9cm

Mais une étrange mélancolie se dégage des décors ainsi construits dans trois des autres salles. Un canapé Chesterfield en plâtre gris cendré est accompagné d’un fouillis d’objets divers, entre statuettes et canettes de Coca : une nature morte silencieuse, éclairée de biais (même si la référence à Vermeer semble un peu présomptueuse pour cette grisaille). Tout dans cette vanité est lourd, gelé, figé, silencieux, le même silence triste que dans l’atelier de Morandi, se dit-on en fixant un détail.

Hans Op de Beek, Caravan, 2016, installation sculpturale

Hans Op de Beek, Caravan, 2016, installation sculpturale

Plus animée, plus narrative est l’installation où un feu de bois luit devant une caravane éclairée et un carrousel fermé dans un terrain vague que la neige rend moins sinistre : quelque chose a eu lieu ici, ou va se passer, une histoire que nous pouvons nous raconter, l’histoire d’un homme aux marges qui subsiste ici, précaire et romantique. C’est au Grand Meaulnes que j’ai pensé, les yeux fixés sur les rougeoiements du feu de bois.

Hans Op de Beek, The Settlement (2), 2013, installation sculpturale, bois et supports mixtes, 13x10x4m

Hans Op de Beek, The Settlement (2), 2013, installation sculpturale, bois et supports mixtes, 13x10x4m

Bien plus inquiétante est l’installation The Settlement (2) : dans une semi-obscurité, sur un plan d’eau, un village sur pilotis, quelques barques amarrés aux pontons, la lumière de quelques guirlandes, après la fête sans doute. Tout est gris. Une inquiétude sourde naît de ce paysage mélancolique : on peut y voir un village de pécheurs menacé par la montée des eaux. Au fond, à peine visible, un mirador : est-il là pour surveiller le village, ou au contraire pour le protéger de l’hostilité des indigènes ? C’est là que l’on se souvient que le mot « settlement » est utilisé pour qualifier certaines colonies illégales.

Hans Op de Beek, Night Time (extended), 2015, film d'animation NB, 19'20

Hans Op de Beek, Night Time (extended), 2015, film d’animation NB, 19’20 »,

Op de Beek est ainsi habile à installer un sentiment d’inquiétude, de malaise, d’interrogation. Ces trois pièces sont des sculptures autant que des installations, avec lesquelles il crée des mondes fictifs où notre imagination peut se projeter au-delà du décor, du stratagème de représentation. Plus apaisante est la cinquième salle où l’artiste a animé des aquarelles de grande taille, peintes la nuit, sereines et mélancoliques, virtuoses et fascinantes.

Photos 2, 3 & 4 de l’auteur; photos 1 & 5 courtoisie du 104.

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