Cela ressemble à une volte-face. Une semaine après avoir assuré que Facebook n'avait pas influencé l'élection américaine, Mark Zuckerberg a annoncé, vendredi 18 novembre, une série de mesures pour lutter contre la diffusion d'articles mensongers sur le réseau social. " Nous prenons la désinformation très au sérieux ", assure le responsable, alors que la polémique n'est pas retombée dans la Silicon Valley. Mais " nous devons être prudents ", poursuit-il, car " nous ne voulons pas être les arbitres de la vérité ".
Les mesures détaillées par M. Zuckerberg restent encore au stade de projets. Elles ne s'appliqueront donc pas immédiatement. La plus importante concerne l'affichage d'un message d'alerte accompagnant les articles ayant été signalés comme mensongers. Pour distinguer les fausses informations, Facebook comptera sur ses utilisateurs, avec des outils plus simples à utiliser, mais aussi sur des sources externes, spécialisées dans le " fact checking ". Autre piste: afficher des liens vers des médias reconnus sous les articles partagés.
M. Zuckerberg souhaite également s'attaquer à " l'économie des fausses informations ". Lundi 14 novembre, Facebook a suivi l'exemple de Google et annoncé que les faux sites d'actualités n'auront plus accès à sa plate-forme publicitaire, Facebook Audience Network. Le réseau social travaille désormais à mieux détecter les sites qui abusent le système publicitaire, qui pourraient alors être bannis de Facebook. " Une partie de la désinformation est le fruit de spam motivé financièrement ", explique le dirigeant.
UN MILLION DE PARTAGESDe nombreux observateurs accusent Facebook d'avoir facilité la victoire de Donald Trump lors des élections du 8 novembre, en permettant à ses partisans de partager des articles mensongers. Plus d'un million de fois pour certains de ces liens, comme par exemple celui assurant, à tort, que le pape François soutenait le candidat républicain. Ce débat illustre l'importance prise par le réseau social: selon le Pew Research Center, près de la moitié des Américains s'informent désormais sur Facebook.
La société de Menlo Park, qui compte plus de 150 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis, a d'abord choisi de nier le problème. "Il est dingue de croire que les fausses informations publiées sur Facebook ont pu influencer le résultat de l'élection", affirmait jeudi dernier M. Zuckerberg. "99% de tout ce que les gens voient sur Facebook est authentique. Les articles mensongers ne représentent qu'une minorité", avait-il ajouté deux jours plus tard. Ce chiffre reste cependant impossible à vérifier.
La position de M. Zuckerberg contraste avec celle de Sundar Pichai, le directeur général de Google. Interrogé mardi 15 novembre par la BBC, celui-ci avait reconnu que la prolifération de fausses informations avait pu jouer un rôle. Des voix discordantes se font aussi entendre au sein même de Facebook. Selon BuzzFeed, plusieurs dizaines d'employés se sont ainsi réunis, de manière informelle, pour évoquer ce sujet et les outils pouvant être mis en place pour lutter contre la désinformation.
MARGE DE MANOEUVRE ÉTROITELe problème n'est pas nouveau mais il semble avoir pris une nouvelle ampleur au cours de la dernière campagne américaine, alors que la défiance vis-à-vis des médias traditionnels n'a jamais été aussi importante. La semaine dernière, Buzzfeed racontait comment une partie de ces sites étaient gérés depuis une petite ville de Macédoine, avec pour seul objectif de générer des recettes publicitaires. "Jusqu'à 3.000 dollars par jour", expliquait l'un des gérants.
Les sanctions publicitaires annoncées en début de semaine par Google et Facebook ne suffiront pas. D'abord, parce que les sites concernés disposent d'autres plates-formes pour monétiser leur audience. Ensuite, parce que leurs articles continueront d'apparaître dans les résultats de recherche sur Google et dans les fils d'actualités sur Facebook. D'autres mesures sont nécessaires, par exemple la mise en place d'algorithmes informatiques ou d'équipes dédiées à la traque des articles mensongers.
Un tel scénario ouvrirait cependant un autre débat, en donnant le droit à Google et Facebook de déterminer ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas. " Nous croyons qu'il faut permettre à tout le monde de s'exprimer, ce qui siginifie laisser les gens partager ce qu'ils souhaitent, tant que possible ", ajoute par ailleurs M. Zuckerberg. Le fondateur de Facebook sait aussi que sa marge de manoeuvre est étroite. En mai, le réseau social avait été accusé par des responsables républicains de parti pris politique.
Photo: Maurizio Pesce
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