Barack Obama entre Miriam Celaya et Manuel Cuesta Morua
Contrairement à François Hollande, au pape et à tant d’autres dirigeants politiques et religieux qui ont fait le déplacement à La Havane, Barack Obama n’a pas serré la main de Fidel Castro, ni cédé à la tentation de se faire un selfie avec le « Lider Maximo ». En revanche, le président américain a reçu des opposants pendant sa visite historique à Cuba, ce qu’ont soigneusement évité de faire François et l’hôte de l’Elysée. La diplomatie présidentielle a ses limites, certes, mais on peut l’exercer avec plus ou moins de dignité.
Mardi 22 mars, le président Obama a reçu à l’ambassade américaine à La Havane treize opposants cubains : l’ancien prisonnier politique José Daniel Ferrer, fondateur de l’Union patriotique de Cuba (Unpacu), l’organisation qui progresse en province, à en juger par le nombre d’activistes interpellés ; le dirigeant du parti social-démocrate Arc progressiste, Manuel Cuesta Morua ; la porte-parole des Dames en blanc, l’association d’épouses de détenus politiques, Berta Soler ; la journaliste indépendante Miriam Leiva, veuve du regretté économiste Oscar Espinosa Chepe ; l’avocate du cabinet indépendant Cubalex, Laritza Diversent ; le président de la Commission pour les droits de l’homme et la réconciliation nationale, Elizardo Sanchez ; le directeur de la revue Convivencia, le catholique Dagoberto Valdés ; le prix Sakharov du Parlement européen 2010, Guillermo Fariñas, réputé pour ses grèves de la faim ; le créateur du forum de débats Estado de Sats, Antonio G. Rodiles ; la blogueuse Miriam Celaya ; les militants pour les droits des communautés LGBT Juana Mora et Nelson Alvarez Matute ; et le rappeur Angel Yunier Remon, dit « El Critico ».
« Violence et répression »
M. Obama leur a dit « qu’il faut beaucoup de courage pour être un activiste à Cuba ». Tous les présents n’étaient pas sur une même longueur d’onde. « Certains ont exposé des opinions contraires à la politique du président Obama », a rapporté Miriam Leiva. Parmi ces voix divergentes, figurent les Dames en blanc et Antonio Rodiles, qui revendiquent le droit de manifester pacifiquement tous les dimanches, à la sortie de la messe de l’église Santa Rita, à La Havane. Elles sont systématiquement réprimées par la police. Rodiles a exposé au président américain « le niveau démesuré de violence et répression ». M. Obama lui-même a raconté à la télévision américain que deux de ses invités avaient encore les marques de menottes trop serrées aux poignets.
L’Unpacu, l’Arc progressiste et la plupart des opposants présents à la réunion estiment que le voyage présidentiel et la politique de l’administration Obama favorisent l’émergence d’une société civile indépendante de l’Etat cubain, encore embryonnaire et fragile. En tout cas, les uns et les autres ont exprimé leur avis « très respectueusement », selon Manuel Cuesta Morua. Parmi les plus réticents face à la diplomatie américaine, Antonio Rodiles a dit que la rencontre avait été « magnifique ».
A cette occasion, Elizardo Sanchez a remis aux Américains la liste des 89 prisonniers politiques recensés par sa Commission pour les droits de l’homme. La veille, lors d’une brève séance de questions de la presse, Raul Castro avait refusé d’admettre l’existence de détenus politiques et avait mis au défi le journaliste qui avait abordé le sujet de lui remettre une liste, en se disant prêt à les libérer le soir même. Parmi les prisonniers, certains sont incarcérés depuis vingt-cinq ans, après avoir été condamnés à une peine de trente ans.