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Fans des années 80 – Retour vers le passé

Publié le 30 novembre 2016 par Pierrepaperblog

Fans des années 80 – Retour vers le passé

Le futur a peu de chance de se démoder. Un certain passé non plus. La passion déclenchée par le trentième anniversaire de Retour vers le futur de Robert Zemeckis montre bien que les années 80 comptent encore quelques cohortes de fans, quelques bataillons d’irréductibles nostalgiques des leggings fluo, des vestes en jean, des mulets passés à la brosse et des brushings Lady Di. Il en va de même pour les séries. The Americans, The Goldbergs, Halt and Catch Fire ou encore Stranger Things renvoient toutes à cette période parce que la télévision américaine convoite aujourd’hui la génération X et celle des Millénials.

Gary Edgerton, doyen de l’université Butler d’Indianapolis (Indiana), auteur de The Essential HBO Reader et d’une Histoire de la télévision américaine, grand spécialiste de The Sopranos et Mad Men, revient sur cette tendance.

Comment expliquer que cette période de l’histoire américaine soit devenue si attractive pour le public d’aujourd’hui ?

La principale raison pour laquelle des séries comme The Americans, The Goldbergs, Halt and Catch Fire and Stranger Things sont situées dans les 80s tient au fait que le public cible convoité prioritairement par la télévision américaine demeure les spectateurs âgés de 25 à 54 ans, autrement dit ceux qui appartiennent à la génération X (nés entre 1965 et 1983) et les Millénials (nés entre 1984 et 2002).

La conviction demeure que ce public est celui qui dispose des revenus les plus importants et qu’il est le plus perméable à la publicité ou le plus enclin à souscrire des abonnements (comme dans le cas des séries de Netflix). De plus, les showrunners et les créateurs les plus talentueux font partie des GenXers. En conséquence, ils se réfèrent à des marqueurs culturels de leur enfance, de leur adolescence ou de l’époque où ils étaient de jeunes adultes.

Les années 80 sont considérées comme le deuxième âge d’or des séries télé. S’agit-il de rappeler que cette période fut celle au cours de laquelle la fiction télévisée a commencé à s’ancrer comme un art populaire ?

Bien que ces séries se drapent dans les décors, les costumes et dans tout l’attirail culturel des années 80, elles parlent davantage du présent que du passé. Situer des séries dramatiques ou des comédies dans une période donnée avec un style propre à l’époque est une vieille tradition de la télévision qui remonte aux années 50.

Parfois, il est plus facile d’aborder des problèmes contemporains, en particulier lorsqu’ils sont sujets à controverse, en les plaçant dans un cadre qui apporte de la distance, comme une époque différente (les 80s) ou un style narratif particulier, ce qui est le cas pour la série d’espionnage The Americans ou celle de science-fiction Stranger Things.

De ce point de vue, The Americans parle bien plus des complexités du mariage de nos jours que d’espionnage. Stranger Things traite, elle, de la question de la cohésion familiale dans une époque troublée, incertaine et aliénante.

Certains showrunners, scénaristes et producteurs actuels étaient enfants ou adolescents dans les années 80. Cela a-t-il une influence sur le contenu des séries qu’ils proposent aux chaînes et aux networks ?

Oui, absolument. Les créateurs travaillant pour la télévision s’inspirent de leurs propres cadres de références individuelles et de leurs expériences personnelles. Compte tenu de la pyramide des âges des artistes et des créateurs travaillant sur ces séries, les 80s sont pour eux quelque chose d’immédiat et possèdent un écho personnel.

Mad Men, série sur laquelle vous avez beaucoup travaillé, conserve une influence gigantesque. Est-ce que le succès rencontré par la série de Matthew Weiner a pu inciter des showrunners et des scénaristes d’explorer à sa suite les années 70 et 80 ?

Les séries historiques sont plus chères à produire que les séries contemporaines. Tout le processus de production (décors, accesssoires, costumes, etc.) est bien plus élaboré et coûteux que celui des séries dramatiques ou des comédies situées en 2016. Pendant huit ans, « Smoke Gets In Your Eyes » (le premier épisode de Mad Men) est resté comme un scénario brillant que personne ne voulait produire à Hollywood.

La raison était que les producteurs de télévision rechignaient à financer une série historique, en particulier à cette époque (au début des années 2000) où les programmes de télé-réalité étaient le genre le plus répandu sur les grilles de programmes. Après le succès de Mad Men, les dirigeants de la télévision se sont montrés plus enclins à commander des séries dramatiques et des comédies situées dans les décennies précédentes.

Ce que l’on décrit aujourd’hui comme la « peak TV » signifie qu’il y a une surabondance supposée des séries produites aux Etats-Unis qui avoisinent les 410. Cette surabondance est évidemment une bonne chose pour les téléspectateurs qui disposent d’encore plus de bons programmes à regarder. En revanche, pour l’industrie les enjeux sont élevés et les services commerciaux se montrent plus nerveux et plus sceptiques face à toutes ces propositions de séries (dont, bien sûr, un bon nombre sont des séries historiques).

Il est intéressant de constater que cette exploration du passé récent des Etats-Unis cela intervient au moment où les réseaux sociaux nous font vivre dans un présent permanent. Est-il important pour les jeunes générations d’avoir une idée de ce qui a pu se passer il y a peu de temps ?

Je dirais que la nostalgie n’est pas neuve dans les séries télé. Pensez à Happy Days dans les années 70 ou à The Wonder Years dans les années 80. Le passé peut être un refuge face à un présent chaotique et incertain qui, de plus, laisse entrevoir un avenir qui propose des changements rapides.

The Goldbergs est plutôt une série qui marque un retour vers le passé, pour fuir la réalité comme Happy Days. Mad Men convoque une forme plus complexe de nostalgie, que dans mes travaux je qualifie de « nostalgie critique ». Le regard rétrospectif sur les aventures et les personnages à partir du passé est beaucoup plus ambivalent, il souligne le charme d’une époque tout en reconnaissant et en critiquant ses défauts. The Americans, Halt and Catch Fire et Stranger Things appartiennent à cette seconde tendance.

Est-ce que cette mode des Eighties peut perdurer ?

Les références aux années 80 semblent se diriger vers la fin de leur cycle actuel et il semble que l’avenir soit, à nouveau, à de plus en plus de références aux Sixties dans l’art populaire, la mode et la culture en général. Mon hypothèse est que cela va commencer à se produire quand les plus âgés des baby boomers vont commencer à disparaître.

A mesure de leur entrée dans l’âge adulte et à mesure que leurs mères et leurs pères vieillissent et finissent par disparaître, les artistes de la génération X et les Millénials font un bilan et sont contraints de faire la paix avec les générations de leurs parents. Un manière de parvenir à cela est de l’inscrire dans les séries qu’ils créent pour la télévision.

(Photo: FX)


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