T.A.N.K. est un road movie burlesque comme il en existe des dizaines. Le genre est largement pourvu et a cette particularité d’être peu propice à la réinvention. Conséquence, son créneau est celui des références cachées, de la connivence suggérée avec le public qui, malheureusement, a tendance à prendre le pas sur l’histoire elle-même qui ne tient plus alors que par la mise en scène.
Il est évident que les créateurs de T.A.N.K. ont regardé des tas de choses, de Kill Bill de Tarantino à Priscilla, en passant par Breaking Bad ou encore Utopia, Arizona Junior des frères Coen et quelques westerns et films consacrés aux narcotrafiquants. On retrouve dans ces dix fois dix minutes bien des choses qui ont marqué notre rétine depuis ces vingt dernières années. C’est toujours vivifiant de se rafraîchir la mémoire. L’ennui, c’est qu’ensuite revient la même question : et donc ?
Utiliser des références à la culture populaire est en soi une bonne idée. Il suffit de voir le succès que remporte à ce propos le revival de Gilmore Girls pour comprendre que c’est une des raisons de l’attachement des spectateurs: se moquer de ce que l’on connaît, exercer un regard critique sur une culture devenue si populaire qu’on ne pense plus à mettre en exergue ses défauts.
Le problème survient quand cet aspect référentiel devient trop envahissant et étouffe le récit. T.A.N.K. raconte l’évasion d’Alexandre Braun, un truand auteur d’un braquage, qui voulant récupérer son fric se retrouve à emprunter la mauvaise voiture parce que celle prévue pour qu’il se fasse la belle ne démarre pas. La voiture en question est remplie de paquets de coke et elle appartient à un méchant qui lui court après.
On est quelque part dans le désert, quelque part en ville, quelque part loin de la ville, etc. On est quelque part, peu importe où puisqu’en fait il suffit qu’il y ait une route, un désert et de loin en loin une station-service toute pourrie ou un petit supermarché au milieu de nulle part. Ca fait l’affaire.
On comprend bien ce qui fait courir Alexandre Braun, en revanche, on perçoit moins bien ce qui pourrait nous inciter à le suivre. Le format appliqué à ce genre particulier impose une frénésie qui paraît rapidement à bout de souffle. Le récit ne se pose jamais car il ne le peut pas et doit compter sur l’enchaînement des gags ou des références pour ne pas s’asphyxier. On est dans la pastille de quelques minutes que l’on ingurgite entre deux autres choses qu’on avait à faire. Tout le fond est dans la forme.
On comprend bien le choix de cette websérie comme l’un des phares de Studio+. On s’adresse à un public jeune, connecté, déjà amateur et disposant d’une maîtrise du genre, de ses références et de ses codes. Il s’agit d’ajouter une nouvelle offre à une déjà existante et qui est pléthorique et exige des arbitrages de plus en plus draconiens, faute de temps.
Le pari est celui d’une proposition premium capable d’attirer des utilisateurs pour qu’ils ne se contentent pas d’une consommation de vidéos gratuites. Or l’une des raison du succès de la vidéo sur mobile tient justement à cette gratuité. C’est la contrepartie à un confort de visionnage et d’écoute qui n’est pas optimum.
Il faut également compter avec la concurrence de Netflix qui propose la consommation de son catalogue sur télévision, ordinateur, tablette et portable. Quoi qu’il en soit, il faudra certainement quelque chose de plus convaincant que T.A.N.K. pour inciter à l’abonnement. Tout dépend ce qu’il reste dans le réservoir de la production originale.
(Photo: Studio+. Dessin: Martin Vidberg)