I l y a autour du cou des enfants hors-la-loi des perles reliquaires qui bruissent ingénument durant les songes. Une serre de coq nain froisse la tête d'une cétoine dorée, une dent de brochet menace l'alcôve d'une petite huître, une hirsute gale d'aubépine épate une phalange de silex. À travers elles court un fil d'acier qui mesure l'innocent. C'est pour aller guincher dans l'ombre des caves qu'il les enfile, fier comme têtu, car la nuit, par les pattes pendu, sous l'escalier il loge. Tristan Felix,
" mettre en aveugle les dernières touches
au portrait invisible d'une vie "
Ph., G.AdC
[IL Y A AUTOUR DU COU DES ENFANTS HORS-LA-LOI DES PERLES RELIQUAIRES]
Accordez-moi ce pas chassé, oiseau de voûte ! Et l'oiseau, brûlé d'insomnie, contre les joues se casse les ailes vieilles. Offrandes à lui, si grand de détresse, les perles à terre tombent, de l'enfant qu'elles recueillent séparément, pour ne pas l'éveiller.
La relique se porte vivante
Anodin sous son manteau à poils gris, toujours le même voyageur monte dans n'importe quel train - pourvu qu'avec l'aube il parte essuyer sur les rails la rosée primordiale. Assis en face de lui, quelque être mâle ou femelle, en son sac de peau brune ou blanche, dort, atêté contre la fenêtre, l'auréolant d'une buée qui vient et va à chaque respiration. Longuement il l'observe, à travers le paysage couvert de gelée blanche qui défile, mettre en aveugle les dernières touches au portrait invisible d'une vie. La véronique sur la vitre atermoie, entre s'étonner d'être encore en expirant et disparaître en retenant son souffle. Le voyageur, confondu, descend au bout de la ligne, les poils gris de son manteau à chaque fois un peu plus hérissés.
Jésus descend du loup
Sous le mûrier tendu d'ombre, danse, depuis des lustres, l'ailleurs d'une femme immobile sur une planche antique, les yeux clos plus que des praires. Ses doigts en prière, déjà, serrent d'autres nœuds impatients d'arabesques ; et ses épaules, enfin saisies par une carrure étrangement venue, jusqu'à la taille se renversent. Midi cogne le bronze et tandis que dégringolent par la fissure du clocher mille piaillements, de sa gorge, éclose à peine d'un col de soie, monte, défaite des plis d'un long sommeil, une voix dissonante qui module d'inouïes syllabes. Faisant une traîne de son ancienne peau, soulevée comme un voile par le chant souverain de ce cavalier qui s'élance en elle, elle ouvre le bal.
Livrée des morts en vingt-quatre tenues [2008], in Observatoire des extrémités du vivant (triptyque), Tinbad, Collection Poésie, 2017, pp. 98-99-100-101-102. Préface de Hubert Haddad.