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Extravagriffouillanse

Publié le 24 juin 2008 par Thywanek
Extravagriffouillanse : n.f. de « extra » qui se situe entre super et hyper bien qu’on n’en ait, soyons-en content, jamais fait un marché ; de « va » qui veut dire aller quand c’est ni toi ni moi mais que ça reste singulier et que c’est au présent ; de « griffe » qui est un des outils de la manifestation du pouvoir du chat, sujet tout à fait d’actualité en ces temps de disette ; de « ouille » qui indique qu’on vient de se taper sur le doigt avec le marteau, ou de s’asseoir sur une rose ; et de « anse » dont on ne peut pas nier que ça nous sera utile pour porter tout ce fouillis, lui-même soujacent quelque part au niveau du prononcé.
Donc, résumons-nous, (ça s’impose et pas que sur le revenu) : il est question de quelque chose d’un niveau supérieur, qui va, bien ou mal on s’en balance, à moins qu’on ne s’en batte l’anse, que ça écorche un peu en nous arrachant une vague plainte à peine audible, l’ouïe ici ne s’entend pratiquement pas, et que s’il y a tant d’anse, c’est que t’as rien à craindre, ça s’emporte en voyage, au restaurant, au bords de la mer, sous la lune en filigrane, et même pour voir un spectacle ; de danse par exemple. Bref, c’est indémodable.
Certes, je vous entends d’ici regimber, (car vous êtes souvent regimbant), cette construction lexicale est franchement baroque. C’est exact et ne vous attendez pas à ce que je tente dans cet article d’encombrer ces lignes avec les laborieuses explications auxquelles vous estimez peut-être, avec un taux d’insolence qui dépasse de toute façon celui que je tolère, que aurez droit.
Vous ouîtes* certainement parler, transpirant de ces pages, au gré notamment des savantes interventions de notre Grand de la Fontaine des Mots, (au temps où il aspirait tout juste à garantir son rang de Grand Semainier), de ce que l’on appelle les mots valises.
Extravagriffouillanse est un mot malle-cabine : pour les déplacements un peu plus longs, et sans doute plus importants, qu’un simple aller retour, un soir d’été, ou d’hivers, afin de promener son incognito au bord d’une autre scène.
En affutant un peu votre esgourde moyenne vous percevez surement qu’il y a de l’extravagance dans ce mot. Du fouillis aussi, donc. Et une griffe qui vous rappelle au désordre, et un « n’sait quoi » qui s’en balance.
Voila, vous y êtes.
Maintenant souvenez-vous un peu : vous êtes sur la crête qui domine le théâtre océanique. Le vent soulève des paquets d’eaux qui s’écartèlent sur les rochers, ce même vent qui vous gifle, et vous glace. Un sublime soleil blanc s’ébroue dans des ventres de nuages. Dans votre main il y a sa main : mais vous ne savez plus rien. Comme rien avant. Rien après. Tout est dans les embruns qui s’envolent jusqu’aux visages. C’est magnifique et désastreux. Ca fait un peu mal mais on se sent étrangement bien. On aurait envie de crier. Voire de chanter. Mais on se tait. C’est l’extravagriffouillanse.
Ca commence à causer un peu là ?
L’extravagriffouillanse, c’est une pointe de diamant dans le regard qui boit au ruisseau de lave sifflante lorsqu’il passe sous le cœur, juste avant de plonger.
C’est le jour qui tombe de l’agenda dans un vacarme à découdre le reste du temps puisque tous les précédents n’étaient que des tentatives et que tous les suivants vont restés inconnus.
C’est une fatigue qui descend comme une couronne pendant que les parterres de fleurs jouent du calice sous le souffle qui se déploie et que l’abandon gagne les tensions dont les verrous et les articulations retombent à l’intérieur en poudre de soie, en aiguilles de larmes, en sel et en cendre, en rire et en sanglots.
L’extravagriffouillanse c’est beau, forcément beau ; c’est vivant de ce beau qui se sait et s’en délivre pour vivre l’ivre du désordre des émotions. Avec ce petit bout de plume un malicieusement mais tendrement cruel qui écrit au verso une date incompréhensible, une heure définitive, une balise, comme un monogramme inquiétant et mêmement encourageant, petite brisure de cire sombre au tableau de tous les éclats.
Dans l’extravagriffouillanse il faut faire vite pour prendre son temps. Saisir l’instant où l’intime le plus lointainement vacillant doit de toute sa précarité embrasé l’ordre appris, la leçon retenue, l’enseignement compris, la rencontre réalisée, le soir venu, le matin levé, le corps présent, le pas répété, le ruisseau des mots, et surtout, surtout, l’irremplaçable atome de cette folie ensorcelante dont on connaît l’étincelle, on la connaît, oui, on la connaît si bien maintenant.
Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous jeter parfois du haut de vous-même.
* J’avoue avoir hésité entre le tréma et le circonflexe : mais là ce soir le temps est à l’orage : du coup j’ai opté pour le circonflexe.

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