Magazine Nouvelles

Joël Gregogna | Nisiros et Symi

Publié le 05 mars 2017 par Angèle Paoli
Topique : Insularité

NISIROS ET SYMI

CHAQUE ÎLE EST UNE RENCONTRE : l’île du matin ressemble à un scarabée, celle du dormant à l’encéphale entier, frangé d’or comme les reliques sacrées ; et pourtant, du lever au couchant, nous apercevons la même île. Toutes les terres tiendraient-elles en une, même quand tout semble les opposer !
Ainsi Nisiros et Symi : la première est un cratère dépassant de la mer. Des émanations sulfureuses s’en échappent ; la terre y bouillonne. La coupe est ici vivante, elle n’a pas déversé, comme à Santorin, sa libation dans l’okéanos. Cette île est mâle au sens que tout y est force, richesse, générosité. La chute du jour à Nisiros fond la terre et l’okéanos en un alliage d’airain. Et quand survient l’aube, elle est à Nisiros une autre genèse. Le rayon primordial force la dissociation des deux éléments, puis, rompant les ténèbres entre la mer et le volcan, déboule sur l’océan, vibrant. Seulement alors, la chaleur se dégage lentement de Nisiros.
Cette île constitue le complément de Symi, qui demeure femelle dans sa nuance et sa connaissance. Il convient pour bien s’en persuader, d’arriver à Symi en fin d’après-midi et de la quitter au petit matin.
Sous réserve d’une différence d’intensité, c’est à ce moment la même lumière qui prolonge les écueils. Symi ne connaît pas l’obscurité, car la nuit y promène elle-même une clarté confuse que reflète la pâleur de ses rochers d’argent. À Symi, l’épigraphie devient fécondation.
C’est de la qualité de la lumière qui les baigne que ressort la complémentarité de ces deux îles. Pour tout homme venant en ce monde, la lumière de Nisiros est divine, alors qu’elle est spirituelle à Symi.

Le Navire procède. Le vent est de sept-huit. Il est une heure quarante-cinq et c’est la nouvelle lune. La mer est mate. Passé le phare des îles Yavalès, les ténèbres étouffent ce qui vibre. Devant, sur Nisiros, les langues de feu que l’on perçoit sont-elles coïncidences ou flamboiement du volcan ? Le Navire pointe la proue vers cette épée. La nuit se déchire ; alors les ténèbres s’arrachent à la terre, et de sa poupe et de sa proue, la carène élève une arche entre Nisiros et Symi : le règne du jour est advenu dans la complémentarité retrouvée.

Joël Gregogna, Vitriol Océan, Périples initiatiques, chapitre troisième « La ligne d’orient », Éditions Véga, 2012, pp. 88-89. Photos Joël Gregogna.
Joël Gregogna, Vitriol Océan



Retour au répertoire du numéro de mars 2017
Retour à l’ index des auteurs
Retour à l’ index de mes Topiques

» Retour Incipit de Terres de femmes

Retour à La Une de Logo Paperblog