La ''mort d'Arthur'' frappe les esprits ; la scène qui l'oppose dans un combat final à son fils Mordred est édifiante...
Le départ d’une nef vers l’ouest signifie la fin des Jours Anciens ; la fin de la beauté, de la magie, et du sacré présent sur terre. Cette fin de règne marquée par la ''mort'' du roi et son départ pour l’île d’Avalon : un ailleurs inaccessible, cette fin, donc, représente donc plus que jamais la fin des temps mythiques, le définitif désenchantement du monde.
Est-ce que, le Graal une fois trouvé, la Table Ronde a accompli sa mission terrestre et n’a plus qu’à disparaître... ?
Est-ce la découverte, de l’adultère de la reine et de Lancelot, comme si il y avait depuis le début quelque chose de pourri dans le royaume de Bretagne, ou encore de la liaison incestueuse du roi qui engendre Mordred, celui qui causera sa perte ?
De Lancelot, ou de Mordred : qui est le coupable ?
Je défendrai l'idée que celui qui a détruit le royaume et avec lui l’idéal de la Table ronde n’est pas le héros adultère mais le bâtard intransigeant, trop soucieux de faire régner l’ordre, qui dénonce les amants à la vindicte publique...
Il est certain que :l’inceste engendrant Mordred, la passion coupable de Lancelot et de Guenièvre, l’achèvement de la quête du Graal et la disparition de Merlin sont fortement reliés par des liens de cause à effet, et contribuent tous à provoquer la fin du règne d’Arthur
Je rappelle l'histoire ( cette version plus détaillée est absente des romans français, elle se lit dans la compilation anglaise de Malory) : Si Lancelot et Guenièvre cèdent à leur passion et ''trahissent'' le Roi ; Morgane dénonce et prouve à Arthur la liaison de Guenièvre, elle vole les pouvoirs de Merlin.
Morgane profite de ses nouveaux pouvoirs pour prendre l’apparence de Guenièvre auprès d’Arthur désespéré par la trahison de sa femme : c’est l’inceste qui fait naître Mordred. Le péché d’Arthur, ou peut-être son désespoir, font de lui un Roi Pêcheur paralysé, d’où la Quête du Graal seul capable de le guérir. L’achèvement de la Quête fait qu’Arthur retrouve la plénitude de lui-même, et peut-être davantage, ce qui le rend capable d’affronter Mordred dans la dernière bataille.
Il faut rappeler, qu'une génération plus tôt : Merlin avait accepté de réaliser le désir d’Uther Pendragon ( le père d'Arthur) ; en effet Merlin se rendait compte que ce dernier n’était pas destiné à être lui-même le roi ''attendu'', mais à engendrer ce roi. Il lui a donc conféré l’apparence du duc de Cornouailles ; Uther peut ainsi retrouver Ygraine, la femme de celui-ci dont il est épris, la nuit même où le vrai duc meurt dans une embuscade. Morgane – fille du duc de Cornouailles - apparaît alors comme une petite fille qui se réveille en pleurant d’un cauchemar, disant « mon père est mort » ( film ''Excalibur ''). Voyant entrer Uther sous l’apparence du duc, qui appelle à lui Ygraine et lui fait l’amour sauvagement presque sous les yeux de l’enfant, on sent qu’elle devine l’imposture. Plus tard, en volant ses pouvoirs à Merlin, Morgane lui rappelle qu’il a trahi sa mère !Pour en revenir à la ''Mort d'Arthur'' : Arthur blessé à mort, charge Bedivere ( ou Girflet) de jeter à l’eau l’épée Excalibur... ainsi née la prophétie qu'un jour un roi reviendra et l’épée ressurgira...
Malgré cette espérance, Avalon est présenté depuis le commencement de la légende comme un monde païen qui s’éloigne ; un monde en perte de vitesse, qui s’enfonce dans ses brumes et se coupe de plus en plus de l’évolution historique d’une Bretagne virile et chrétienne. Une telle mort est inéluctable : il a bien fallu que tout cela disparaisse pour en arriver au monde désenchanté dans lequel nous vivons. L’opposition entre temps mythique et temps profane est radicale... A la fin du Moyen-âge, peut-être pouvait-on penser que la sortie du temps mythique s’opérait vers la simplification et le manichéisme, aux dépens de la complexité du monde... ?!
Sources : Isabelle Cani, « « Le roi qui ne peut pas mourir » - et le film Excalibur