Pour tout dire (97)

Publié le 16 avril 2017 par Jlk
À propos d'Ella Maillart et de nos transits temporels. De l'essai toujours différé de capter le TOUT DIRE du profond aujourd'hui. Du genre approprié à l'expression de l'impression, etc.  Quand on lui demandait l'heure qu'il était, Ella Maillart répondait: il est maintenant. Or maintenant que Pâques se lève sous un ciel de tout le temps, je retrouve mes notes prises à La Nouvelle-Orléans le lendemain du Nouvel-An de mes 33 ans, une année pile avant de retrouver un flirt de nos dix-huit huit ans, ma bonne amie, alias Lady L., que je ne quitterais plus jusqu'en ce jour où nous bouclons nos valises pour rejoindre, en Californie, la première de nos deux infantes qui avait trois mois à la mort de mon père il y a de ça 33 ans et des poussières - mais comment dire tout ça dans le transit temporel chahuté de nos vies ? À La Nouvelle-Orléans, en janvier 1981, j'avais débarqué du Texas ou j'étais allé prononcer, le temps imparti de 33 minutes-pas-une-de plus, un éloge de l'œuvre immortelle, quoique méconnue en ce désert urbain de Houston, du sublime Charles-Albert Cingria, et j'ai noté l'odeur un peu sucrée, avec une touche de cinnamon et de fraîcheur chlorophyllée me rappelant le chewing-gum de notre adolescence, qui flottait sur le macadam spongieux du downtown élançant ses prodigieux buildings au milieu de la steppe texane à buissons barbelés et coyotes fuyants; mais une autre odeur s'imposait dans les rues de New Orléans ce premier jour de l'an mal débarbouille des beuveries de la veille à l'alcool blanc, puis il me fallut 13 ans pour l'évoquer dans l’espèce de prose fuguée d’un livre intitulé Par Les temps qui courent, lyriquement sous-intitulée Nus et solitaires nous sommes en exil - et comment dirai-je demain le profond aujourd'hui ? L'exercice de la notation , autant que le journal intime où les carnets volants, est le plus souvent tenu pour un art mineur, mais comment ne pas voir que tout part de ces traces de mains aux parois de Lascaux ou d'Altamira, me disais-je hier en (re)lisant les pages des Jeunes filles en fleur ou le peintre Elstir raconte, dans son atelier plein de ses marines, ce que dit vraiment le porche roman de l'humble église de Balbec si mal observée par son jeune interlocuteur, et les pages consacrées à ce début de temps retrouvé constituent l'exemple même de l'exercice d'attention auquel j'entends me plier en déployant mon effort d'échapper aux clichés qui ne disent rien.   Nous débarquerons demain à San Diego, dont le nom rappelle la colonisation catholique de la Côte ouest , et nous passerons notre première nuit en vue du port militaire plus que jamais en exercice, non sans penser aux nouveaux dangers que laisse craindre, plus qu'au temps de l'intronisation du cow-boy californien, le nouvel Ubu de la ploutocratie impériale; cependant nous nous réjouissons de vivre l'aujourd'hui de demain en notre fugace temps humain... J'avais 33 ans cette année-là et je prenais au stylo des notes que je recopiais sur mon Hermès Little Boy a capot cabossé, sans imaginer qu'un jour nous skyperions et grappillerions nos impressions sur nos smartphones avant de les balancer sur le Nuage.Mais voici qu'il est maintenant et que nous continuons de laisser venir l'immensité des choses, etc.