La comédie de la société française

Publié le 26 juin 2008 par Dk

26 juin 2008

La comédie de la société française

Hier soir nous sommes allées à la Comédie-Française. A l’entracte, la salle s’est vidée, la plupart des spectateurs voulant profiter de la demi-heure de pause pour faire quelques pas, visiter les toilettes ou s’envoyer trois whisky sec au bar pour tenir le coup durant la deuxième partie du spectacle. A l’entracte, donc, nous qui étions restées à nos places, nous remarquons une femme qui entre dans la salle. Elle est jeune – milieu de vingtaine –, elle porte une veste en cuir bien trop chaude pour l’été qui vient de nous tomber dessus. Elle parait un peu hébétée, presque surprise de se retrouver là. En fait, elle me fait penser à un lapin pris soudainement dans les phares d’une voiture et qui n’est plus bien sûr de la meilleure marche à suivre.

Elle se met à déambuler lentement dans les travées, s’arrêtant un instant pour ouvrir un programme abandonné sur un fauteuil, elle l’ouvre, semble déçue de ne rien trouver à l’intérieur du dépliant et le repose. Elle s’arrête au premier fauteuil d’une rangée proche de nous, s’assoit. Je suis sûre que c’était quelqu’un d’autre qui était là avant l’entracte. Plus étrangement, mon intuition me dit surtout que cette jeune femme n’a pas assisté au début de la représentation, qu’elle n’est pas là pour la pièce.

Je ne peux m’empêcher de continuer à l’observer. Ses habits, qui pouvaient faire illusion de loin, sont usés. Sa cheville est couverte de croûtes. Ses chaussures sont franchement passées. Les gens reviennent dans la salle, et je la sens beaucoup plus nerveuse. Le propriétaire du siège arrive, elle s’esquive avec rapidité et trouve une autre place, qui elle était belle et bien vide depuis le début et où personne ne viendra la déloger. Pendant la pièce, elle ne suit pas vraiment, elle est bien enfoncée dans son fauteuil et semble juste profiter de ce confort. A la fin du spectacle, elle est dans les premières à sortir et à rejoindre la rue – je soupçonne fort que c’est là qu’elle habite…

Même si en rentrant je trouvais séduisante l’idée que la Comédie-Française lui ait servi d’abri pendant un peu plus d’une heure, tout cela avait un goût d’amertume : celui de la société française d’aujourd’hui.

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