Magazine Journal intime

Une leçon de piano...

Publié le 26 juin 2008 par Tazounette



J'aime ce morceau autant que j'ai aimé ce film.

La violence du désir irrépressible qui contraste avec un mariage arrangé dans l'Angleterre puritaine et victorienne... Et Holly Hunter... Quel charisme, quel talent... Cette femme muette qui s'exprime à travers son piano, sa raison de vivre au même titre que sa propre fille, un personnage à part entière... Harvey Keitel, cet homme rustre au coeur tendre qui tombe amoureux d'elle autant que des émotions qu'elle transmet en jouant, comme si le fait de parler était devenu inutile... La musique, un langage avant tout...

J'ai fait du piano pendant quelques années, je devais avoir 9 ou 10 ans.

Ma soeur et moi avons écumé bien des professeurs de musique, souvent issus du conservatoire. La discipline faisant oublier le pur plaisir de jouer. Aucun a su nous communiquer le goût pour l'instrument, le goût de jouer indispensable pour créer la motivation, nécessaire à toute persévérance.

A croire qu'eux-mêmes avaient perdu toute passion à force se tuer à la tâche.

Quel dommage !

Le dernier professeur était une femme aigrie. Elle avait dû rêver d'une carrière de concertiste à Paris. Sûrement qu'une plus talentueuse lui avait soufflé la place tant convoitée. Elle se retrouvait donc à enseigner le piano à des bambins ne sachant même pas positionner leurs mains correctement ! La quarantaine terne, dépressive, enclopée du matin au soir, un verre d'alcool aussi de-ci, de-là. Un visage d'une dureté incroyable, jamais un sourire ne venant éclairer son visage fermé. 

Elle se vengeait sur ses élèves de l'injustice de sa vie. Elle n'était pas qu'autoritaire dans sa façon d'enseigner, elle nous grondait, nous punissait si on n'avait pas assez travaillé. si bien que les derniers cours, c'était avec la peur au ventre et presque à reculons que nous y allions, à son domicile...

Evidemment la seule chose qu'elle a réussi à produire, c'est un dégoût pour l'instrument. Un amalgame bien normal. Elle et le piano, hop, dans le même sac... Bon débarras...

J'ai arrêté la première. Puis ma soeur a suivi quelques mois après... Notre oeil ne se posait même plus sur le bois lisse et verni du piano, qui séparait nos deux lits, dans notre chambre. On ne voulait plus le voir. Qu'il disparaisse, celui-là...

Un jour maman nous a demandé : "Alors, on cherche un autre professeur ?". J'ai répondu la première : "Non, maman, on le vend, je veux plus jamais en faire"... Ma soeur était d'accord avec moi. Je sentais pourtant que ma mère en avait mal au coeur... "Vous allez regretter un jour, je vous le dis, réfléchissez bien !"...

Regretter ? Allons, n'importe quoi ! Pfffffff ! Impossible.

Elle a bien essayé de nous faire changer d'avis, mais nous étions têtues, toutes les deux faisant front pour la première et la dernière fois de notre vie...

Nous l'avons vendu à des voisins à nous, une famille de musiciens et d'artistes de tout poil, des originaux, chacun jouant d'au moins 4 ou 5 instruments, aucune télé dans l'habitation (je me souviens qu'à l'époque j'avais trouvé ça hallucinant, des fous !!!)...

Aujourd'hui, 20 ans après, chaque fois que j'entends un morceau de piano joué divinement, j'ai une boule au ventre et dans la gorge parce que ma mère avait raison.

Parce que si nous avions le dégoût de cette professeure et une quelconque appréhension envers le piano après cette expérience traumatisante d'une chose qui devait être "pour le plaisir", nous aurions pu en guérir... Surpasser cela avec quelqu'un de plus doux.

Persévérer, pour un jour se faire plaisir en jouant...

Alors quand j'entends ce morceau, comme lorsque j'ai vu le film "Ludwig van B.", où Beethoven, interprété à merveille par un Gary Oldman au meilleur de son talent, jouant la "Sonate au clair de lune", j'ai un pincement au coeur et je me dis, immanquablement "Moi aussi, peut-être, j'aurais pu... Si j'avais su... J'aurais dû"...

Et puis je repense à la petite mise en garde de ma maman...

Ainsi va la vie et les choix que l'on fait sans se soucier de l'expérience des "anciens" qui savent, eux, qu'on le veuille ou non...

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