La petite semaine du professeur Blequin (36)

Publié le 14 mai 2017 par Legraoully @LeGraoullyOff

LUNDI 8 MAI

– Bonjour, madame Kervella !

– Tiens ! Un revenant ! Alors, professeur, soulagé ?

– Pas qu’un peu ! Jamais je ne m’étais senti aussi près de devoir dire adieu à tout ce que j’aimais ! Mais visiblement, ce n’est pas encore cette année que je connaitrai le goût des figatelli…

– Je vous avoue qu’au lendemain du premier tour, je n’étais pas loin d’éprouver les mêmes angoisses que vous : mais finalement, quand j’ai vu à quel point Marine Le Pen a été nulle au débat…

– Ça, ça ne m’a pas tellement étonné : débattre, elle ne sait pas ce que c’est ! Pourquoi ? Je vais vous le dire : d’abord, contrairement à ce que ses électeurs crétins croient, c’est une fille à papa, une riche héritière qui a grandi dans un château, qui a toujours été à l’abri du besoin grâce à la fortune amassée, d’une manière plus que douteuse, par son géniteur ; comme toutes les grosses bourgeoises, elle est habituée à ce que tous ses désirs soient exaucés dans la seconde sans que personne ne lui oppose de résistance. Ensuite, elle est à la tête d’un parti politique où la démocratie interne n’existe pas : le chef (en l’occurrence, elle) décide et tous les autres ferment leur gueule ! Elle se défend peut-être pour asséner des vérités toutes faires à un public de naïfs, mais mener un vrai débat contradictoire, ça, elle ne sait faire !

– J’aime quand vous parlez comme ça, je vous retrouve enfin ! Et les autres candidats, à votre avis, que vont-ils devenir ?

– Benoît Hamon va pouvoir soigner son dos : à force de recevoir des coups de poignards, ça doit le piquer un peu ! Fillon va peut-être finir en prison mais, si tel est le cas, il aura de la chance : avec la gueule qu’il a, normalement, c’est au cimetière qu’il devrait aller ! Quant à Mélenchon, parti comme il est, à mon avis, dans un an, son mouvement dépasse le Front National, dans trois ans, il est le seul chef de toute la gauche, et dans cinq ans, c’est lui qui arrive au second tour !

– Vous êtes sûr ?

– Je ne sais pas, mais ça fait tellement peur aux patrons de Marianne et de L’express que je ne peux pas m’en empêcher !

MARDI 9 MAI

– Gamin, va !

– À part ça, savez-vous pourquoi Macron a fêté sa victoire près de la pyramide du Louvre ?

– Non ?

– Parce qu’il est marié avec une momie !

– Ah ben sympa, j’ai le même âge !

– Hein ? Ah mais non, mais non, vous ne comprenez pas : ce que je veux dire, c’est que Brigitte Macron abuse de la chirurgie esthétique, c’est tout ! Je m’en fous, moi, de son âge ! Je ne voulais pas vous blesser !

– Vous ne m’avez pas blessée, prof, je plaisantais ! Et puis votre blague est plutôt gentille si on la compare aux commentaires qui circulent sur le Net : la France est vraiment un pays de talibans !

– Ça c’est sûr : Johnny Hallyday a passé sa vie à épouser des filles dont il aurait pu être le père sans que ça choque son public de gros beaufs et on fait tout un pataquès parce que notre nouveau président sort avec son ancienne prof ! Alors quand un homme sort une femme plus jeune qu’elle, c’est normal, mais quand c’est le contraire, c’est dégueulasse ? Pas d’accord !

– Je crois que ce qui effraie ce gens, c’est la perspective d’avoir élu un homme qui soit dominé par sa femme…

– Pfff ! Ces types-là n’ont vraiment rien compris ! Il serait temps qu’ils se réveillent : nous, les hommes, à moins d’être plus farouchement homosexuels que Jean-Paul Gaultier et Michou réunis (et encore), nous sommes TOUJOURS dominés par les femmes ! Même le pur beauf’ qui bat sa femme ne peut pas aller contre cette vérité : si les femmes n’existaient pas, l’humanité s’éteindrait ! Desproges l’avait bien compris : dans son roman Des femmes qui tombent, il raconte la fin du monde déclenchée par l’extermination des femmes ! Aucun homme ne peut se vanter d’avoir vu le jour autrement qu’en ayant été porté neuf mois dans le ventre d’une femme qui l’en a fait sortir au terme d’un long et abominable calvaire que l’on nomme accouchement ! Alors dans ces conditions, un homme qui se laisse dominer par une femme, c’est un homme reconnaissant !

– Vous avez bien raison !

– Et puis n’oublions pas que le symbole de notre République est une femme ! Et que notre hymne national est « La marseillaise », pas « Le marseillais »…

– C’est exact, ce nom-là, on a préféré le donner à une marque de savon !

– Un produit d’entretien ! Un truc de « bonne femme » ! On a vu des machos se suicider pour moins que ça !

MERCREDI 10 MAI

– Sinon, vous avez vu Manuel Valls ?

– Ah, ne m’en parlez pas ! Je le savais opportuniste, mais à ce point-là ! Si je ne devais pas le mépriser, il me ferait presque pitié ! Qui ne l’a pas vu faire sa petite pupute pour que Macron daigne l’accepter à bord de son arche n’a qu’une faible idée de la veulerie et du ridicule ! En fait, il ne s’est toujours pas remis d’avoir été battu aux primaires : il était persuadé que son chemin était tout tracé, qu’il était le seul espoir d’un parti socialiste en pleine déroute, mais il s’attendait à tout sauf à être mis hors-jeu par un vrai mec de gauche !

– Heu…

– Je parle de Benoît Hamon !

– Ah, je me disais aussi…

– En fait, Valls, c’est un Sarkozy qui aurait échoué : Macron peut bien le laisser crever, il n’y perdra pas grand’ chose !

– Puisqu’on en parle, est-ce que vous pensez que c’est la fin du parti socialiste ?

– Franchement, je trouve que c’est une question idiote : même si le parti socialiste disparait, son œuvre restera : le Front National a doublé sa base électorale en trente ans, conformément à ce que François Mitterrand a fait pour ce parti, la Lorraine et le Nord sont déshérités comme le voulait Pierre Mauroy qui les a laissées tomber, les autoroutes sont hors de prix grâce à Laurent Fabius qui a été le premier à les privatiser, la France n’est pas plus décidée à accueillir la misère du monde aujourd’hui qu’elle ne l’était du temps de Michel Rocard, les entreprises bénéficiaires continuent à licencier comme à l’époque où Lionel Jospin disait que « l’État ne peut tout faire »…

– Là, vous êtes dur ! Il y a pourtant des gens au PS qui ont été vos amis !

– Ils l’ont été ? Ils le sont encore. Ils le seront à jamais.

JEUDI 11 MAI

– C’est beau, ce que vous dites. Sinon, vous avez vu ? Trump a fait virer le patron du FBI qui menait une enquête embarrassante pour lui…

– Pfff ! C’est pas parce qu’on se tire le thermomètre du cul qu’on est plus malade ! Il va finir par se faire destituer !

– N’empêche, le seul fait qu’il ait été élu président est effrayant !

– Dame ! Si les Démocrates avaient su trouver autre chose que la mère Clinton à lui opposer, les États-Unis n’en seraient peut-être pas là ! Mais Trump est un vieillard pour qui le monde s’est arrêté à l’époque où il avait bâti sa fortune : il sera probablement balayé dans quatre ans s’il n’est pas contraint à la démission avant ! C’est peut-être le prix à payer pour porter le coup de grâce aux vieux démons de l’Amérique voire même, plus largement, au complexe de supériorité du mâle blanc chrétien et occidental ! Trump, ce n’est qu’un mauvais moment à passer !

– Un TRÈS mauvais moment à passer, c’est sûr ! Sinon, vous avez vu ce sondage selon lequel une majorité de Français réclameraient Juppé pour Matignon ?

VENDREDI 12 MAI

– J’en ai entendu parler et j’ai tout de suite pensé : « Non mais ça va pas la tête » ?

– Ben quoi ? C’est peut-être pas une mauvaise idée, Juppé s’est bonifié avec l’âge…

– Ah non ! Le coup du « j’ai changé », Sarkozy nous l’a déjà fait ! Non mais sérieusement, on n’a pas élu un président jeune pour se retrouver avec ce vieillard coriace ! On n’a pas dégagé Fillon pour se retrouver avec sa version dégarnie ! Il y a vingt ans, tout le monde était dans la rue pour réclamer son départ da Matignon et, aujourd’hui, on voudrait qu’il y revienne ? Mais quel est le cornichon qui a fait ce sondage ?

– Vous savez, il y a à peine un an, les gens voulaient voter Juppé : les primaires les ont contrarié dans cet élan alors ils espèrent obtenir une compensation…

– Là, vous mettez le doigt sur un point douloureux : le principe des primaires citoyennes devait être une avancée démocratique majeure et, au final, aucun des deux candidats en lice pour le second tour n’avait été désigné selon ce processus ! Ils avaient en commun d’avoir été proclamés par une foule fanatisée ! C’est donc le triomphe de la démagogie, forme dégénérée de la démocratie où ce n’est pas la loi du plus grand nombre qui règne mais bien la loi du plus fort entérinée par le plus grand nombre…

SAMEDI 13 – DIMANCHE 14 MAI

– Et bien ! À ce que j’entends, on dirait bien que Benoît Quinquis est redevenu le professeur Blequin !

– Et bien oui ! Marine Le Pen a été battue, plus rien ou presque ne peut rien m’atteindre !

– Alors ça, c’est formidable ! Pour fêter nos retrouvailles, qu’est-ce que vous diriez si je baissais le rideau de fer ? Je vous offre le pétillant et on se remémore votre enfance ?

– À fond la caisse !

– Alors on y va ! À la semaine prochaine, les lecteurs du Graoully déchaîné !