Sainte Solange (Musée du Berry, Bourges) - Photo Julien Descloux
Solange naquit près de Bourges, dans le petit hameau de Villemont, près du bourg de Saint-Martin-du-Crôt (aujourd'hui Sainte-Solange). C'est une jeune bergère très pieuse dont Mgr Jean Villepelet assure qu'elle consacra, dès l'âge de sept ans, sa virginité à l’Époux des vierges."Elle fut comblée par Dieu de tels dons que, selon une antique tradition, par sa seule présence elle guérissait les malades, chassait les démons, commandait même à la nature inanimée et qu'en outre, jour et nuit, elle marchait précédée d'une brillante étoile. Occupée à garder les moutons de son père dans un champ du voisinage, elle employait son temps à prier assidûment et à s'entretenir avec Dieu en d'intimes colloques." (Les Saints Berrichons, p. 64)Il se trouve que Solange est aussi d'une beauté stupéfiante. Elle est convoitée par Bernard de Gothie, fils du comte de Poitiers, de Bourges et d'Auvergne*, qui, devant ses refus obstinés, l'enlève sur son cheval. Préférant mourir plutôt que de violer la foi jurée à son céleste époux, elle se laisse tomber à terre au bord d'un ruisseau (Villepelet), voire les fait tous les deux tomber dans le ruisseau (Wikipedia). C'en est trop pour notre soudard, qui, de rage, tranche alors la tête de la jeune fille.
"La légende veut que la tête invoqua par trois fois le nom de Jésus. Le corps la ramassa et la porta jusqu'à son lieu de naissance, Villemont, où elle fut retrouvée." Ceci se serait déroulé le 10 mai 878. Solange fut ensuite ensevelie dans l'église dédiée à Saint-Martin de Tours.
Les rapprochements sont nombreux avec l'histoire de saint Génitour : la présence de saint Martin tout d'abord (c'est en venant de Tours où elle s'était fait baptiser avec ses neuf fils que sainte Maure se dirige vers Le Blanc) ; la présence aussi de l'ennemi incarné ici par Aggripinus, roi des Goths, là par Bernard de Gothie (le Goth figure le barbare païen) ; la présence enfin de l'eau avec la Creuse traversée par Génitour et ce ruisseau fatal près duquel vivait la sainte avec sa famille.
Le trajet du corps portant la tête mérite aussi un surcroît d'attention. Reportons-nous au détail des lieux :
Sainte-Solange, on l'a dit, se nommait Saint-Martin-du-Crôt (et ce nom reste aujourd'hui celui de la principale rue du village). Or ce Crôt désigne un creux, une mardelle. "Les mardelles de l'Indre, explique Stéphane Gendron, sont des excavations du sol, des affaissements de terrain par suite de l'extraction de pierre, sable ou marne, ou écoulement souterrain. Le mot est une variante de margelle". Ce que confirme le CNRTL à la notice de "margelle", qui mentionne explicitement le Berry :
Mardelle, subst. fém.a) Vx, région. Margelle. Pendant toute cette conversation, je m'étais tenu immobile, penché sur la mardelle du puits caché dans le treillis de vigne vierge, qui déparait la cour du jardin (Balzac, Œuvres div.,t. 1, 1830, p. 522).b) Géogr. Petite dépression plus ou moins conique qu'on trouve en Berry et sur certains plateaux calcaires du nord de la France (d'apr. Fouc.-Raoult Géol. 1980). Dans les terrains d'où elles proviennent existent des effondrements, dits (...) abîmes ou mardelles (Widal, Lemierre, Abrami dsNouv. Traité Méd. fasc.3 1927, p. 35).Si l'on zoome sur la carte proposée par Géoportail, on remarque en outre que le bourg est cerné de lieux-dits et de microtoponymes désignant des creux : L'Enfer, le Grand Fond.
Dès lors, il est clair que le cheminement de la sainte portant sa tête reprend l'itinéraire traditionnel des saints céphalophores gagnant un lieu élevé. Solange, tombée près du ruisseau, remonte vers son lieu de naissance, Villemont, dont le nom signale avec transparence la hauteur.
Solange remonte de l'Enfer (inferis, le lieu d'en bas) vers le Paradis figuré par Villemont. L'ancienne carte de Cassini met encore plus en valeur ce site de l'Enfer.
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* Cette identification n'est pas certaine.