Magazine Journal intime

O comme opticien

Publié le 17 juin 2017 par Christinedb

Sur au moins trois générations les Gaiffe se sont spécialisés dans les objets de précisions, Claude Etienne (1761-1828) était horloger à Vic sur Seille en Moselle, son fils Georges Etienne (1801-1876) devient opticien activité reprise par ses deux fils Adolphe Ladislas (1832-1887) qui s’installa à Paris et Denis Charles (1844-1897) qui resta à Nancy. La nécrologie de ce dernier dans L’est Républicain du 19 mai 1897 raconte son parcours:

Est Républicain 1897/05/19

Mr Denis Gaiffe
Mardi, au cimetière de Préville, sur la tombe de M. Gaiffe, l’opticien si estimé dela rue Stanislas, M. Bichat, doyen de la Faculté des sciences, a rendu un dernier hommage au citoyen aussi savant que modeste. On lira avec le plus grand intérêt la biographie de cet homme de bien :

C’est avec une grande tristesse et une profonde émotion que je viens dire un dernier adieu à M. Gaiffe, au nom de ses nombreux amis de l’Université de Nancy.  D’une race probe, patiente et modeste, Gaiffe appartenait à une vieille famille de mécaniciens habiles, qui ont rendu de grands services
a tous ceux qui s’intéressent aux sciences expérimentales et, particulièrement, aux sciences physiques.
Son père, esprit très ingénieux et inventif fut autrefois le collaborateur de M. de Haldat, et notre Faculté des sciences possède encore un
certain nombre d’instruments signés de son nom et qui lui font le plus grand honneur. Les deux fils, élevés à bonne école, devinrent à
leur tour d’habiles praticiens et de véritables savants.
L’aîné s’installa à Paris, où il fonda une maison dont la réputation est aujourd’hui universellement établie . L’autre se contenta de la vie plus modeste de province et reprit la succession du père dans le magasin bien connu de la rue Stanislas, dans ce magasin où, tant de fois, je me suis arrêté pour faire de longues causeries qui me faisaient oublier l’heure et qui, dans les derniers temps du moins, lui faisaient oublier une partie de ses souffrances.
L’aîné fut enlevé d’abord par un mal soudain encore jeune, au moment où il pouvait aspirer à un repos bien mérité, au moment où il pouvait confier à son fils, la maison qu’il avait fondée.

C’est aujourd’hui le tour de Denis Gaiffe qui s’en va, lui aussi, avant l’heure, à 52ans, après avoir souffert de longues années, sans avoir eu,
hélas ! la douce consolation d’assister à la réalisation de son plus cher désir, de voir son fils lui succéder.

Gaiffe n’était pas seulement un opticien de valeur, un mécanicien habile ; il était aussi un véritable savant. En géologie notamment, sous
la direction de Godron, l’ancien doyen de la Faculté des sciences, et avec l’aide de M. Schlumberger, ingénieur de la marine (en résidence à Nancy au temps où l’on employait encore, sur une vaste échelle , les sapins des Vosges à la construction des mâts des vaisseaux), il avait acquis peu à peu une véritable notoriété. Il trouvait dans l’étude de cette science, dans les courses qu’elle exigeait, une distraction à son obscur et nécessaire labeur de chaque jour.
Il a recueilli dans le jurassique des environs de Nancy une collection aussi remarquable par la rareté de ses échantillons que par le soin avec lequel il l’avait classée. Ne se bornant pas à être un habile il ne perdit jamais de vue l’intérêt scientifique des documents qu’il recueillait soit au point de vue paléontologique, soit au point de vue stratigraphique.
A une époque où le sol de la Lorraine était peu connu, il avait relevé très exactement une série de coupes qui auraient mérité d’être publiées; il aurait pu ainsi devancer de longtemps les travaux qui ont été faits depuis.
Les savants les plus connus en géologie : Beslongcbamps, Cotteau et tant d’autres, sont venus successivement visiter cette belle collection et ont décrit certaines pièces uniques qu’elle contient.
Ne voulant pas que sa précieuse collection soit dispersée. Il l’a léguée en mourant à la Faculté des sciences, qui lui en est fort reconnaissante ; il peut être assuré qu’elle sera conservée avec un soin jaloux.

Grâce au monument impérissable qu’il laisse après lui, son souvenir et son nom se perpétueront même quand nous aurons tous disparu à notre tour, pour faire place à d’autres, suivant la loi inexorable de la vie.
Que dirai-je maintenant de l’homme? C’était un caractère droit, loyal et sûr. Il était d’un désintéressement rare. Quand nous lui demandions de nous aider dans la construction de nos appareils de recherches, il ne songeait pas un instant au profit, d’ailleurs fort problématique, qu’il pouvait en tirer ; il ne voyait que le but scientifique à atteindre, heureux de pouvoir nous être de quelque utilité dans nos travaux.

II n’était pas commerçant dans le sens que l’on attache trop souvent à ce mot aujourd’hui. Il avait horreur de la réclame et il possédait au plus haut degré la conscience professionnelle.

Depuis près de dix ans, Gaiffe souffrait d’un mal implacable qui ne lui donnait un peu de répit qu’à de trop rares intervalles. Malgré les
soins les plus empressés d’une femme aimante et dévouée, d’enfants qui étaient à juste titre son orgueil, la douceur de ses jours et qui lui
prodiguaient les marques de leur affection, le mal a fini par l’emporter.

Il a été brusquement arraché à cette famille qui devait être l’espoir de sa vieillesse, ce qui n’a pu qu’adoucir l’amertume des souffrances
de son âge mûr.

Devant cet écroulement, devant cette tombe si prématurément ouverte, nous ne pouvons que pleurer et que partager la douleur de cette
veuve éplorée et de ces enfants que la mort impitoyable a si cruellement éprouvés.

Denis se marie en 1872 avec Léa Roubalet, ils auront 3 enfants Marthe née en 1874 et qui épousera Léopold Silice , Alice née en 1876 et Pierre Denis né en 1881 qui sera ingénieur.


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