LUNDI 19 JUIN
– Bonjour, madame Kervella.
– Bonjour, professeur ! Alors, cette saga électorale ne se termine pas si mal, en fin de compte, non ?
– Vous trouvez ? La gauche est laminée, la majorité est à droite et l’opposition aussi et le FN est passé de trois à huit députés ! Sans compter que cette majorité « toute nouvelle, toute belle » est essentiellement composée d’élus sans compétences ni expérience qui seront incapables de freiner le gouvernement quand il voudra faire passer des réformes impopulaires ! Tout est bien qui finit bien !
MARDI 20 JUIN
– Pas faux… Sans compter la mini-crise provoquée par le retrait de Bayrou !
– Je l’avais oubliée, celle-là, tiens ! C’est déjà invraisemblable qu’il ait pu redevenir ministre, mais qu’en plus son départ ait de l’importance ! Macron nous promet une nouvelle ère politique et il nous ressort un ancien ministre de Balladur et de Juppé ! À quand le retour de Lecanuet, de Poniatowski ou de Couve de Murville ?
– Mais…ils sont morts !
– Bayrou aussi était censément mort, politiquement !
MERCREDI 21 JUIN
– Sinon, vous n’avez pas trop souffert de la vague de chaleur ?
– Non car, le 21 juin, j’avais le choix entre deux possibilités : ou bien je grillais en ville pour écouter des musicos amateurs en grignotant un casse-croute de clochard…
– Oui, c’est vrai que c’était la fête de la musique…
– …ou bien je me rafraîchissais à la mer avant d’aller savourer un festin de roi ! Avouez qu’il n’y avait pas photo !
JEUDI 22 JUIN
– C’est un point de vue… Sinon, on m’a dit que vous avez assisté aux commémorations du débarquement américain de 1917 à Brest ?
– Effectivement, il y avait une cérémonie au pied du mémorial américain sur le Cours Dajot : dans son discours, le maire de Brest a rappelé l’attachement de la France envers une Amérique ouverte sur le monde et acharnée à défendre des valeurs de démocratie et de liberté…
– Et ben ça nous manque, ça !
– Vous me coupez l’herbe sous le pied ! Et ensuite, la consule des États-Unis a rappelé le sacrifice de ces jeunes soldats de toutes les nationalités qui se sont battus pour la liberté de leurs descendants ; j’aurais bien pris des photos mais alors que j’essayais de trouver une meilleure place pour avoir de bons clichés, un maniaque coiffé d’un chapeau vaguement militaire m’a barré le chemin. Elle a raison, madame la consule, qu’est-ce qu’on est libre aujourd’hui, le sacrifice de tous ces jeunes hommes n’a vraiment pas été vain ! Enfin, vive l’amitié franco-américaine et tout le tralala !
VENDREDI 23 JUIN
– Soyez pas mauvais esprit à ce point-là, vous me faites penser à ces pouilleux qui crient au fascisme dès qu’on les oblige à traverser dans les clous ! Sinon, qu’est-ce que vous lisez de beau, en ce moment ?
– Hergé fils de Tintin par Benoît Peeters, un ouvrage qui me conforte dans l’idée que je me faisais d’Hergé, celle d’un personnage fragile et sensible qui s’est retrouvé pris malgré lui dans le tourbillon d’une histoire qu’il ne maîtrisait pas et s’est laissé porter par les événements, ce qui explique certains choix politiques douteux. En bref, il compta parmi ceux qui, comme disait Cavanna dans Les Russkoffs, « ne furent ni des héros, ni des traîtres, ni des bourreaux, mais simplement, comme [lui-même], des pauvres cons. » Ce qu’on ne lui a pas pardonné, ce n’est pas d’avoir collaboré mais plutôt de ne pas avoir résisté, autrement dit de ne pas être, en tant qu’homme, à la hauteur du héros qu’il avait créé. Il a fréquenté les milieux fascisants comme moi-même je fréquente les milieux gauchisants, c’est-à-dire par réflexe d’amitié, sans conviction réelle et avec un certain détachement qui n’allait pas sans un relatif effarement devant les vaines gesticulations de ceux qui veulent à tout prix changer l’histoire…
– Ils ne vont vous pas pardonner de dire ça, les « milieux gauchisants », comme vous dites !
– Si vous parlez des pouilleux que vous évoquiez un instant, ça ne va pas être une grosse perte… Bon, ben je crois que je n’ai pas fait une mauvaise rubrique, là…
SAMEDI 24 – DIMANCHE 25 JUIN
– Oui, plutôt pas mal, mais un peu courte peut-être ?
– Bof, à une époque où les gens décrochent au bout de mille mots, ce n’est pas un grand mal.
– Tiens, ça se couvre, on dirait ?
– Avec la chaleur qu’il a fait dernièrement, ce n’est pas un grand mal. Vous me mettez un rosé ?