[JE NE SAIS PAS SI TU ES ENCORE JEUNE] J e ne sais pas si tu es encore jeune
Tu me viensd'un bout à l'autre de l'océan
que font les oiseaux
sur l'horizon
ni tes cheveux gris ou blancs.
Parfois je te regarde dans les yeux,
je te dispute sur la photo.
Tu ne sais pas que je te parle,
ni les mots ni les interrogations.
Le vent disperse ma voix.
Mes mots ne vont pas là où je veux.
Les mots se perdent dans les vagues.
Je vois une île depuis la plage. Elle n'est pas si loin. Je peux l'atteindre à la nage. Ou peut-être à pied à marée basse. Mon grand-père peut s'y trouver. Alors il n'a plus l'excuse de ne pas revenir. Est-il parti aussi loin qu'il aurait tout abandonné ? Comment fait-on quand on part si ce n'est pour jamais se retourner ? Je pourrais moi aussi m'en aller à la nage sur cette petite île que je vois face à la plage. Je me nourrirais de coquillages, de poissons et de sable. Je suis une fille de la terre ferme. Je ne veux pas tourner en rond sur une île. Je veux l'espace des grandes plaines, les routes à perte de vue. Je veux la terre et le ciel face à moi, à gauche à droite et derrière moi. La mer, les océans, c'est dedans sur ma ligne d'horizon.
Cécile Guivarch, Sans Abuelo Petite, Éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 2017, pp. 46-47. Préface de Luce Guilbaud. Couverture de Jérôme Pergolesi.