La Commission Attali ou l'Apologie du Caddie de Malbouffe, que du bonheur !
Publié le 12 octobre 2007 par Mimie In VivoOui je sais, l'intitulé est un brin provocateur, mais c'est de bonne guerre, parce que franchement, nous balancer un premier rapport d'étape qui prône la libéralisation de la Grande Distribution comme un facteur-clé de relance du pouvoir d'achat et de la croissance, en plein Grenelle de l'Environnement et de réflexion sur le développement durable, c'est sacrément gonflé !
Alors comme ça, la Commission de Libération de la Croissance Française (CLCF) présidée par Jacques Attali nous apprend dans cette première mouture, que dis-je, ce galimatias technocratique de 23 pages (oui, je me le suis tapé), qu'il serait, entre autres énormités (je vous laisse les découvrir), grandement temps de restaurer la libre entrée ainsi que la libre tarification et fixation des prix dans le commerce et la distribution afin, je cite, "d’augmenter et de diversifier l’offre, de faire baisser les prix pour le consommateur et de créer de 500.000 à un million d’emplois selon le niveau de fluidité du marché du travail" (p. 2).
C'est merveilleux, ainsi il n'y aurait pas encore assez d'hypermarchés et de pratiques sauvages dans le monde de la distribution sur notre territoire. Non, il faut au contraire nous dit-on "accroître la concurrence entre les grands groupes pour augmenter le pouvoir d'achat de tous".
Fantastique ! Moi je dis chapeau !
"Travailler plus pour gagner plus pour consommer plus de caddies plein de produits dégueu", voilà une vision réjouissante de l'avenir.
Enfin, ne soyons pas trop surpris, rien que la dénomination de ce pseudo-groupe de réflexion, "commission de libération de la croissance", aurait du nous mettre la puce à l'oreille, sans parler de sa composition, car libérer la croissance suppose qu'elle est enfermée, freinée, muselée, entravée et qu'elle ne demande qu'à sortir or, et cela n'aura échappé à personne, non seulement tout autour de nous croît, mais en outre tout croît mal, la planète est saturée d'humains, de béton, de pollution, de gadgets improbables, de denrées immondes...
L'urgence n'est pas de libérer la croissance, mais de la redéfinir, et de cette redéfinition, j'ai eu beau fouiner, il n'en est vaiment point question au coeur de cette haute commission qui a "pignon sur net", un site et pas moins de 35 blogs, mais rien sur "quelle croissance ?"
Pas étonnant qu'on continue de tourner en rond et de se référer "aux avocats de la croissance brute" qui ont le toupet en outre de viser les 5% de croissance annuelle du PIB, quand il conviendrait de rechercher "une croissance douce, riche en emplois de bonne qualité, pauvre en CO2, capable de réduire la pression environnementale des Français et les inégalités d'accès aux biens fondamentaux" tel que l'explique par exemple l'économiste Jean Gadrey dans une Tribune du Monde.
Comme c'est la mode des stages en tous genres, peut-être pourrait-on proposer à ce collectif de hautes éminences une petite sortie avec quelques ménagères éclairées sur un marché de détails ou directement à la ferme, pour leur montrer combien il est possible et plaisant aujourd'hui de garnir un panier de fruits, légumes, viandes et poissons de qualité bien supérieure (souvent incomparable) pour le même prix, voire un prix inférieur à celui de la grande distribution.
Tant que les gens penseront que c'est moins cher chez Leclerc, que le but ultime c'est de consommer un maximum de choses et de préférence n'importe quoi, on n'en sortira pas, et effectivement, la propagande continue...
NB : Toutefois, je confesse que pour le PQ (c'est joli ça), n'utilisant pas de feuilles de laurier, je vais chez Super U, ça rime, n'exagérons rien non plus, ça rime toujours...