Sarkozy, PDG du Groupe France ?

Publié le 25 septembre 2007 par Mimie In Vivo
   

Quatre mois.
Quatre mois que je n'ai plus "politisé" sur ce bon vieux blog.

Non pas que la politique me désintéresse subitement, mais je me gardais bien de me livrer à cette partie de ball-trap qu'affectionne une certaine presse avant d'avoir vu un minimum l'animal à l'oeuvre.
Quatre mois donc que je lorgne avec plus ou moins de distance et d'assiduité sur les faits et gestes quotidiens du Président Sarkozy, et vous voulez savoir ? Et bien... il me fait rire ! En fait, son ridicule me fait rire. Le problème c'est qu'il me fait rire jaune car ce ridicule est loin d'être de celui qui ne tue pas. Contrairement à l'adage bien connu, ce ridicule-là me semble plutôt dévastateur, destructeur de valeurs, du moins du peu de valeurs qu'il nous reste.
Car, fût-il bourré de capacités et de compétences, celles requises par la fonction de chef d'Etat lui font à l'évidence (enfin à la mienne d'évidence) défaut. Un excellent homme d'affaires, un brillant manager, un as de la communication, oui. En d'autres temps, Nicolas Sarkozy aurait même pu faire un remarquable (pour reprendre un de ses termes fétiches) entrepreneur à la Schumpeter. Assurément.
Mais voyez-vous, le hic, le gros hic même, c'est qu'une nation, la France en l'occurrence, n'est pas une entreprise et ne saurait être réduite dans son appréhension, son administration et sa gestion à une simple firme. Or, de l'esprit aux actes en passant par le choix choc des mots, dans cette présidence et ce premier gouvernement, tout nous ramène invariablement et chaque jour à l'impitoyable monde de l'entreprise moderne sous le règne du pragmatisme absolu où la culture du résultat se dispute au buzz médiatique. Tout... ou presque bien sûr, mais que voulez-vous, mon oreille, mon cerveau n'entendent que cela.
Faire du chiffre coûte que coûte, c'est ce que rapportent les policiers, les magistrats, les services de préfecture.
Fusionner l'ANPE et l'UNEDIC, c'est le prix de l'efficacité économique et technique nous dit-on.
Réduire les effectifs à l'Education Nationale et faire miroiter un salaire au mérite individuel (oui donnant-donnant, non mais !), c'est la nouvelle vision de l'efficacité sociale.
Débaucher des piliers à la concurrence y compris dans les rangs des grands hommes d’Etat – je pense à Rocard, Védrine, Attali - c'est l'apologie du carriérisme à tout crin étendu à la politique.
Expérimenter le test génétique pour les étrangers candidats au regroupement familial, c'est l'esprit des grands cabinets de recrutement au mépris de l'intime et de l'humain qui souffle sur la politique familiale…
Bah oui, il ne faut pas lésiner avec le plan de restructuration du Groupe France car la faillite guette nous annonce le directeur général. Le problème est qu'il ne s'agit pas d’une multinationale, ni même d'une petite entreprise ou d'un ménage mais d'un Etat et qu'il est parfaitement inapproprié de parler de faillite s'agissant d'une institution de services qui n'est ni concernée par le profit, ni par le problème de l'âge et l'échéance de la mort, ce qui bouleverse quelque peu la question des contraintes de solvabilité, d’autant qu’il ne s’agit pas de n'importe quel Etat mais de celui d'une grande puissance mondiale.
Je savais fort bien que Sarkozy n'était pas un intellectuel ni un grand humaniste, plutôt un homme d'action, de l'immédiateté, de l'efficacité à court terme, et aussi un homme de réseaux doté d'un irrésistible pouvoir de séduction et de persuasion (y compris pour aller faire un jogging). Seulement aujourd’hui, l’absence criante de perspectives historique, philosophique et idéologique dans ces décisions récentes et bien d'autres me laisse sans voix.
Il me fait ainsi l'impression d'un VRP de la politique nourri au rêve américain, qui se moque des produits qu'il vend comme autant de valeurs dont il se contrefout - justice, égalité, emploi, solidarité, éducation, liberté, culture, bien-être social - pourvu qu'il vende, qu'il fasse du résultat, du concret, du tangible quoi, en somme du résultat d'ordre comptable et donc immédiatement convertible en échos médiatiques et en points de confiance dans les sondages.
Vous comprendrez alors que les discussions autour de savoir s’il est un ultralibéral, un néo-conservateur à l'américaine, un atlantiste, un communautariste ou que sais-je me laissent perplexe, tant ses points d’ancrage semblent mouvants. Il l'avoue lui-même, c'est un politicien "décomplexé" qui aurait très bien pu réussir comme avocat ou comme producteur (c’est le non moins intello et ami de 20 ans Didier Barbelivien qui le dit) et lequel, demain, se verrait parfaitement enchaîner avec la direction d'une grande entreprise privée (ça c’est les confidences recueillies lors d’un déjeuner par le journaliste Laurent Bazin).

 

Vous me direz qu’avec le vulgaire slogan qui était le sien durant la campagne, "travaillez plus pour gagner plus" on était prévenus, et l’on peut d’ores et déjà saluer sa franchise.

 

Quoi qu’il en soit et qu’il réussisse ou pas d’ailleurs à aller "chercher sa croissance", ça fait tout de même un peu chier de constater la popularité (et donc le succès ?) de son entreprise de désagrégation "des dernières utopies de ce monde où les gens ne rêvent plus que d’avoir un yacht comme Vincent Bolloré", comme dirait Beigbeder.

   

Vous pensez que c’est un discours de nantis, que Ségolène Royal n’aurait guère été mieux ou encore que tout cela est un peu naïf et vide d’arguments, vous avez peut-être raison.

   


Mais voilà, c’est juste un ressenti, mon ressenti, et j’avais envie de le partager avec vous.