Le petit carnet de Léopold

Publié le 19 août 2017 par Christinedb

Je tourne et retourne ce carnet pour tenter de comprendre. A quoi rime ces chiffres et ces petits carrés dessinés? Des codes? un langage? Il s’agit d’un carnet rempli par Léopold Silice dont j’ai déjà présenté les talents d’aquarelliste, de photographe, de marionnettiste.

Que j’aurais aimé lui poser des questions pour qu’il m’explique ses techniques de travail!

En weekend en dans ma Lorraine natale, je décide d’aller me promener à Malzéville près de la maison de Léopold au 55 rue de la République, peut-être serai-je inspirée. La maison a changé, une extension, un garage empiétant sur ce qui fut une terrasse cachée de la rue par un mur.

Je ferme les yeux en imaginant Léopold et sa famille. Lorsque je les rouvre la maison est telle qu’elle fut au début du XXe siècle, un couple passe dans la rue, elle robe longue visiblement années 1910!

Je tire la poignée de la petite cloche qui pend près de la porte, en espérant reconnaitre la personne qui ouvrira…

C’est Marthe qui ouvre avec un bébé d’environ 1 an dans les bras et deux fillettes curieuses de 7 et 9 ans qui se cachent derrière ses jupes. Nous sommes donc bien en 1910.

Elle s’étonne de mon allure en jean et cheveux courts et m’interroge. Elle remarque bien un « air de famille » mais a bien du mal à me situer même lorsque je lui explique que je serai (suis) une petite fille de sa fille aînée Germaine..  Je lui annonce rapidement qu’elle aura 8 petits-enfants et  20 petits enfants et demande si Léopold est là. Oui! « il est dans son antre » me dit-elle. Je devine tout de suite ou me diriger.

«  »La pièce en face de l’escalier au 2eme étage? » Elle acquiesce, étonnée. Cette maison, j’y ai passé beaucoup de temps lorsque, enfant, j’allais voir mes grand-parents. J’adorais fouiller dans cette pièce qui était devenue une sorte de débarras, remplie de livres, d’objets et de meubles à tiroirs. La porte de ce bureau était vitrée et Léopold en avait peint les carreaux à la façon d’un vitrail. Marthe m’invite à monter le voir.

Je monte les marches assaillie par mes souvenirs d’enfance. Je suis devant la porte, pas un bruit… Je frappe timidement.

« Oui? » sa voix est posée, j’ouvre la porte. Il est installé à un bureau sur lequel se côtoient papiers, crayons, boîte d’aquarelle.. Il est luis aussi étonné de mon allure garçonne, alors je lui explique que je vis en « vrai’ plus de 100 ans plus tard, que j’ai découvert à la mort de mes grands parents toute son œuvre qui m’a fascinée. Je lui explique que s’il n’a pas pu faire les études d’art dont il rêvait, moi, j’ai pu étudier à l’école des Beaux-Arts de Nancy et que j’avais parmi mes professeurs le petit fils de son ami Victor Prouvé. 

Il m’écoute étonné, j’ajoute que pendant mes études j’ai réalisé deux expositions sur son travail, l’une sur ses photos et autre sur l’ensemble de son œuvre. Je le sens ému. Je lui parle de ce que je sais ou de ce que j’ai compris de son travail et lui pose ma question sur le petit carnet que je sors de mon sac.

– « Ah ce carnet, c’est ma méthode pour trouver des idées de dessins de carrelage ou de papiers peint, je me suis inspiré de la Méthode de composition ornementale de Grasset« .

-« Je connais! j’ai hérité de ce livre! »

Il sourit…

-« Je t’explique mon petit. Je liste d’abord toutes les combinaisons de chiffres de 1111 à 4444″

je fronce les sourcils..

– » Regarde au coin de la page tu as 4 cases avec dans la première un motif, je le numérote 1, puis je « tourne » ce motif d’un quart de tour cette case est numérotée 2 , encore un quart de tour 3 et enfin un dernier quart de tour 4″

Je commence à comprendre!

-« Ensuite j’associe mes chiffres à mes dessins numérotés. Tu vois? »

Je lui souris fascinée par sa patience

-« Tu vois sur cette page (cf ci-dessus) toutes ces petites compositions, si l’une d’entre-elles me plait, je la retravaille. Mais les dessins de cette page cont très simples, j’ai procédé de la même façon pour des motifs plus travaillés, regarde! » il me tend une page. Quel travail! je suis en admiration.

-« tu comprends, je suis bientôt à la retraite et les enfants sont encore petits. Je vends parfois mes dessins à des entreprises de carrelage ou de papiers peints. Cela permettra à mes enfants de faire des études! »

-« Parfois aussi je dessine à partir d’une feuille morte par exemple, je la duplique la transforme en frise, en motif.. »

Il me montre ce qu’il fait, il semble heureux d’expliquer ses passions. Il me parlerais pendant des heures et je serai heureuse de l’écouter plus longuement, mais Marthe nous appelle et propose de boire une limonade sur la terrasse. Jean s’est endormi dans son berceau, et les deux filles dessinent sur une petit table. Je les observe attendrie de voir ma grand-mère enfant.

Il est temps de repartir vers mon époque, je les embrasse en leur promettant de ne jamais les oublier et dis un mot à Léopold sur le livre que je veux écrire sur lui.

Cet article a été rédigé dans le cadre du #RDVAncestral, un projet d’écriture, ouvert à tous, qui mêle littérature et généalogie. En savoir plus.

Léopold, Xavier SILICE N° Sosa : Voir la fiche Père : Mère :