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Dans la forêt profonde…

Publié le 29 juin 2008 par Sophielucide

1.   J’ai habité une forêt il y a de ça pas mal de temps maintenant, c’était avant.
Une nuit d’insomnie, malgré les bombardements, j’étais sorti. Je ne m’explique toujours pas pourquoi ça m’a pris cette nuit-là…J’ai quitté la maison, en pyjama, et j’ai fait quelques pas dans la rue. Je comptais les avions au dessus de ma tête, nullement effrayé, comme un spectacle qui ne me concernait pas mais que je trouvais beau. En plein vol, ils larguaient des objets à intervalles réguliers. A aucun moment, je n’ai imaginé que les miens puissent être touchés par ces bombes. J’étais déjà fou peut-être à cette époque. Je fumais ma cigarette en contemplant le ciel, et je me souviens parfaitement avoir songé à la commande de madame Apfelbaum; serait-elle satisfaite de ce nouveau manteau crée juste pour elle? C’est tout ce qui m’importait. J’étais déjà fou, je crois.
C’était la guerre; je ne voulais pas la faire, alors je m’étais retranché ici en découvrant une clairière qui m’y avait conduit. Les larmes brouillaient ma vue. J’étais seul, j’avais tout perdu. Dans le film en noir et blanc que je revis chaque nuit, je vois ce fou qui rentre chez lui en pyjama et trouve à la place de sa maison, une ruine de débris fumants. J’ai tout perdu en une seule fois, voilà la seule réplique qui me vient à l’esprit, je ne comprends pas.
Je n’avais pourtant pas quitté cette rue où nous habitions depuis la naissance de notre dernier enfant. J’y vivais, j’y travaillais. Je crois que j’étais heureux, j’ai du mal à me souvenir de ce passé, c’est douloureux encore, ou alors ce n’est pas à moi que toute cette histoire est arrivée. C’est ce que j’essaie de me dire. Je ne serai que le narrateur, pas vraiment concerné.
Dans la fièvre qui m’habitait alors, j’étais persuadé d’être le dernier des hommes. Alors j’ai marché et me suis inventé une histoire dans laquelle je devenais le premier d’entre eux. Celui qui vit dans la nature, se nourrit d’animaux morts et d’herbes arrachées. Je ne pourrais que survivre à présent, alors je veux être un sauvage qui n’obéit qu’à son instinct et se refuse à penser.
Depuis que je vis ici, j’ai appris à observer les nuages qui me parlent d’un amour inconnu. C’est beau, changeant, menaçant parfois. Je n’aurais jamais pensé que leur couleur puisse varier à ce point: du rose pâle au noir anthracite, en passant par une palette de bleus, de verts, de rouges. Un matin, à l’aube j’ai vu un stratus jaune qui m’a irradié de l’intérieur. J’ai pleuré.
La journée, il m’arrive de pousser jusqu’à la clairière. Je m’allonge sur l’herbe, entre les mottes de terre et je regarde encore le ciel, les nuages, je fixe aussi le soleil : je voudrais qu’il brûle à jamais mes rétines. Je vois toujours le même profil de femme, aux longs cheveux ondulés. C’est curieux. Je sais très bien qu’à force de jouer à ce jeu du menteur, je vais me consumer. Je sens bien ma raison vaciller un peu plus chaque jour, je passe petit à petit de l’autre côté du miroir, c’est mon unique désir: rejoindre ma tribu pour les rassurer sur mon sort.
Je n’ai plus peur du sang. Avant, à sa seule vision, je tournais de l’œil. Maintenant, dans ma nouvelle chambre, je peins à même la roche de petits pictogrammes rougeoyants; je relève chaque matin les pièges posés la veille et je m’amuse ensuite à ce jeu cruel. J’ai laissé derrière moi toute forme d’humanité.
Je me demande parfois si je verrais un jour le début de l’été qui me paraît si loin. J’ai franchi la porte des saisons comme une feuille échappée d’une branche, qui survole, légère la misère et la beauté dans la même indifférence.

2. Je suis seul dans la nature avec les miens, je les convoque pour qu’ils me fassent la conversation. J’ai confectionné des masques avec les écorces d’arbres que j’ai taillés à leur mesure. Ils sont à peu près ressemblants, mais comme après un accident…Leur mort ne fait aucun doute. C’est ce dont il faut que j’arrive à me convaincre…
Je suis parfaitement conscient du caractère complètement cinglé de ma réaction; mais depuis que je l’analyse, il me semble avoir raison de suivre mon instinct.
Mes enfants me demandent sans cesse des histoires. Elles ont toujours été friandes de mes élucubrations. Je pense aussi que derrière une frontière invisible, leur mère les pousse à me faire parler. Au commencement était le verbe… . Je veux les garder avec moi un moment. Je sais que ça ne durera pas, que je vis un moment privilégié malgré l’horreur du contexte.

J’ai en mémoire, toutes sortes d’histoires mais je voudrais les oublier, je vais plutôt essayer d’inventer; une histoire de souliers peut-être? Je vais nu pied maintenant, mais je me souviens du soin avec lequel j’entretenais  mes chaussures, que j’alignais ensuite par paires pour les admirer.
Je dois changer de vie, c’est la condition sine qua non d’un espoir que je ne nomme pas . Je suis tailleur de métier, comme l’étaient mon père et mon grand-père. Comme eux, j’aime mon travail, ils me l’ont enseigné avec tellement d’amour et de fierté. Ils s’insurgeaient contre le roi fainéant, que j’étais à l’époque, à mes débuts : le printemps d’une vie semblant être écrite pour faire durer et fructifier ce bonheur simple qu’on pense qu’il va de soi.

Le sommeil me gagne peu à peu. Avant c’est le nez qui commençait de me piquer lorsque j’étais fatigué. Mathilde me le faisait remarquer en riant, elle me prenait alors la main qui chatouillait mon nez et me conduisait au lit. . Nous passions toujours par la chambre des filles pour les recouvrir. Nous restions un instant sur le pas de la porte devant la pièce où les lits dessinaient un U, avec le petit lit à barreaux de Clara, la plus petite. Et nous nous regardions, c’était bon. Je la suivais docilement, je voudrais aujourd’hui l’emmener dans une farandole et voir son visage s’illuminer encore, jusqu’au rire, joyeux, tonitruant.

Je deviens un étang empli d’une eau stagnante à force de pleurer. Combien de temps pourrais-je supporter encore cette absence qui se renouvelle sans cesse? C’est comme une chance d’héritage, je dois le voir comme ça, elles sont là, toutes les quatre, dans les jolis manteaux que je leur ai confectionné. Elles m’accompagnent.

3. Je m’aperçois avec horreur que j’ai réussi à me créer une vie encore trop confortable. La forêt m’a accueilli avec générosité en me donnant le gîte et le couvert; je ne souffre ni de faim, ni de froid; mon corps s’est taillé de lui-même, j’ai les muscles saillants. La blessure que je traîne s’émousse d’elle-même, je le vois bien. Alors, il m’arrive de planter mon canif, au hasard dans ma chair.
Dans l’eau de source qui perle, je grimace en léchant ma plaie. Ou je barbouille ma figure de cette substance vitale en hurlant le nom de mes absentes. Je suis un guerrier sans armes, je me crée un jumeau plus fort que moi. Je me bats contre lui, mais il gagne toujours.

J’ai même noué des habitudes dans cette vie de rien; j’aime aller pêcher le matin. Je laisse mes pensées filer sur l’eau et lorsque la ligne frétille en créant des ondes ou bien des bulles, je me dis que mon amour c’est ça: ces petites bulles qui éclatent au contact de l’air; dont il ne reste rien, mais dont je suis heureux d’avoir pu saisir cet instant de beauté….          L’idée de me sentir à l’aise dans ce couloir de l’absence m’est odieuse; l’homme domestique tout, jusqu’aux idées les plus atroces. C’est ce qui me révolte encore mais je sais que ce sentiment-là ne durera pas non plus; bientôt je pourrais regarder en face la chambre de mes morts avec fatalisme; je me hais pour cela.

Je reste allongé sur la rive en fixant les nuages, je me dis qu’ils ont remplacé les draps de flanelles des mes filles, de ma femme. J’esquisse un geste vain pour qu’ils les recouvrent afin qu’elles n’aient pas froid. Je me relève pour changer d’horizon, retourne à la grotte, étreints misérablement l’ange de pierre qui veille à son entrée.                                  Il m’arrive aussi de ressentir une joie subite qui arrive par surprise, pour un rien. Lorsque j’ai croisé ce cerf, par exemple, au beau milieu de la clairière encore noyée de brume. Son regard était d’une telle douceur, que je l’ai conservé à l’abri, dans mon esprit; j’y repense souvent; je crois bien que c’était Dieu.                                                                             Ce regard planté dans le mien parle avec certitude de l’humanité vaine; A part nous détruire, nous ne servons à rien. Comment aurais-pu prévoir que ce que je nommais le démon de la routine constituait mon bien le plus précieux? Ma vanité m’a aveuglé tant que j’ignorais mon bonheur; maintenant, confronté à la perpétuelle beauté, je me brûle de trop de clairvoyance. Alors je chasse de mon esprit toutes mes haines, je ne pense plus à la guerre, à la laideur, je ne pense plus aux drapeaux, à la misère, je ne pense plus à la perte, je ne songe qu’au mystère de cette vie sans queue ni tête.
Je m’attache à la moindre beauté; il y en a trop dans cette forêt, je me suis fourvoyé, en berçant ma douleur égoïste de parfums sauvages, de sons organiques, de goûts inconnus jusqu’ici…Je suis trop bien ici; j’ai besoin de laideur, celle que seuls les hommes savent fabriquer
Ma peau s’est endurcie, ma chair anéantie. Je jette aux pieds de l’arbre centenaire mes vieux boucliers inutiles. Je préfère arriver nu. Je ne me battrai plus.

4.  J’ai habité une forêt le temps de mon deuil mais j’ai compris qu’il n’aurait de cesse de me hanter. Cela me plait, cela m’effraie. Je ne m’appartiens plus.
Depuis que je n’ai plus de souliers, j’ai perdu la notion du temps. Au début, comme dans les livres d’aventures que je racontais le soir à mes filles, je taillais dans l’arbre le plus proche, une encoche à mon réveil. Un jour j’ai du oublier et j’ai mis fin à ce rituel insensé; à quoi bon compter? Le temps n’a pas rempli son rôle en ce qui me concerne : chaque jour, je me réveille en sursaut, convaincu d’avoir inventé toute cette tragédie.
Je suis cet oiseau qui a choisi lui-même sa cage: spacieuse et agréable. Je suis convaincu maintenant que l’homme n’est pas fait pour la liberté. Son instinct le guide à s’enchaîner. Seuls, peut-être les génies réussissent à l’apercevoir. Mais je ne suis qu’un homme qui souffre et qui se repaît de sa souffrance dans une volupté morbide. Peut-être les femmes y ont-elles plus facilement accès, parce qu’elles donnent la vie, parce qu’elles ne transigent pas devant nos calculs, nos compromissions, nos mensonges. Mes femmes me manquent…
J’apprivoise ma douleur en faisant jaillir à volonté les larmes d’une purification qui ne viendra jamais. C’est ma toilette quotidienne, ces larmes acides qui creusent mon visage et se perdent dans ma barbe hirsute. Je me demande quelle tête j’ai. Je me regarde parfois dans la lame de mon couteau qui ne réfléchit plus grand chose.

Il m’arrive de moins en moins de souffrir d’insomnie et cela me désole comme le reste. Dormir comme un bébé, cela ne m’était pas arrivé depuis des années. Faut-il que je sois un monstre… . Le même rêve remplit mes nuits en pointillés. Toujours cette rue que j’abomine, et moi qui m’y promène. Sauf que je suis enfant; c’est moi, ce petit garçon apeuré qui erre en pleurant; je suis perdu mais je reste dans cette rue que j’arpente toute la nuit. Je me réveille épuisé, en sueurs, j’ai toujours peur…
Je pense à mes trois frères, engagés volontaires dans ce cauchemar collectif. Partis, la fleur au fusil, dans un soulagement. L’action brisant au bon moment une routine que nous partagions tous avec plus ou moins de bonheur. Eux, voulaient en découdre. Evoquaient la patrie comme une maîtresse chérie convoitée par un rival ignoble. Je trouvais ça grotesque…

Je n’en reviens pas de changer physiquement; j’étais plutôt chétif, craignant la moindre petite maladie. Je ramasse ma chevelure de plus en plus épaisse en un chignon que j’attache sur ma nuque à l’aide d’une sorte de liane que je tresse à longueur de journée. Jamais, je ne me suis senti aussi fort, presque invulnérable, physiquement. Comme si mon corps compensait ma faiblesse psychique. A force de faire des exercices pour m’empêcher de penser, je suis devenu une athlète inutile. A quoi bon, tout ça? Je cherche encore un sens, c’est ce qui me tue. Je sais bien qu’il n’y en a aucun, mais je n’arrive pas à me faire à cette idée.
Lorsque j’entends un froissement d’ailes au dessus de ma tête, que j’assiste à cet envol massif d’oiseaux que je ne connais pas, je me demande ce qui les guide, ce qui les pousse à partir, puis revenir. Ils semblent savoir mieux que moi pourquoi ils font tout ça. Même la plus insignifiante fourmi semble poursuivre un but qu’elle ne remet pas en cause. Et moi, j’attends comme une seconde naissance dans cette nature si bien agencée où je n’ai nulle place. Ici, comme ailleurs, je ne suis qu’un importun.
Il y a aussi cette pensée furtive dont je n’arrive pas à me défaire; je m’en souviens avec une netteté qui m’effraie: cette envie de meurtre qui m’a pris sur le seuil de mon anéantissement; j’ai croisé le regard d’un garçonnet, aussi perdu que moi. Au lieu de chercher à le consoler ou le guider, l’aider, j’ai eu envie de l’étrangler. Il a du lire mes intentions sur mon visage et il s’est enfui. Et moi aussi, jusqu’à cet abri que j’aurai du mal, je le sais aujourd’hui, à quitter.
Je pars tous les matins en guerre contre moi-même, en fredonnant la chanson du mendiant. Lorsque je me surprends à chanter, je me cogne la tête sur ce vieil arbre noueux qui en sait plus long que moi sur la vie, sur le temps, sur la mort.
5. Je me suis enfoncé plus loin encore, au cœur de la forêt. J’ai laissé ce que j’avais fabriqué derrière moi. J’ai dit adieu à mes masques en les jetant au feu. J’ai nettoyé consciencieusement la grotte qui m’avait servi de chambre pendant tout ce temps. Un mois? Deux mois? Je ne saurais le dire. Je ne voulais m’attacher à rien. J’ai marché une journée entière dans ce labyrinthe en évitant les sentiers tracés.
Les cris des oiseaux alternant avec leurs chants m’accompagnaient pendant que je préférais me concentrer sur le craquement des feuilles mortes à chacun de mes pas. Des rais de lumière zébraient régulièrement la forêt plongée dans l’habituelle pénombre. De temps à autres, je sentais mon visage se réchauffer sous un rayon qui semblait jouer avec moi. J’avais ramassé une branche qui m’aidait à me frayer un chemin. J’étais bien.

Je me suis arrêté pour manger des mûres sauvages au goût sucré; j’en ai cueilli assez pour mon repas du soir. Comme j’étais adossé contre un arbre, j’ai entendu  des tirs sporadiques provenant d’assez loin pour que je me sente à l’abri. En levant la tête, j’ai distingué une sorte de mirador de fortune à une dizaine de mètres de moi. Je me suis avancé, me suis assis sur le deuxième échelon de l’échelle quelques instants. J’hésitais à monter.
J’avais peur de découvrir quelque chose qui m’éloignerait de mon but mais je savais aussi que je n’avais pas assez de volonté pour ne pas céder à cette foutue curiosité, celle qui m’avait conduit jusqu’ici, celle qui m’avait empêché de sauver ma famille, celle qui m’avait sauvé, celle que je maudissais.

Cet édifice fragile, planté là comme par magie m’a déconcerté. Moi qui voulais quitter le peu de confort que je m’étais crée, ne savais résister à cet appel d’une forme de civilisation. Pour mettre fin à des interrogations stériles, j’ai monté les vingt-trois marches jusqu’à la cabane en bois au toit pentu.  Pendant cette ascension que je faisais durer, je me suis souvenu que mon père aimait chasser avec mes frères le dimanche;  peut-être était-il monté lui aussi à ce mirador instable. J’eus peur brusquement de me trouver nez à nez avec un monstre ou un fantôme. Je regrettais déjà de ne pas avoir eu la force d’ignorer ce piège trop voyant.

Je crois bien que j’ai souri en y pénétrant lorsque j’ai vu que la seule minuscule ouverture était munie de rideaux. Ce morceau de tissu accroché qui battait mollement sous la brise légère m’a ému, je ne saurai dire pourquoi. Cela me semblait délicieusement incongru. J’ai tâté l’étoffe dans un réflexe désuet puis je me suis penché légèrement pour observer la vue qui se présentait à moi.  Au loin, j’ai vu un clocher, je n’étais pas si loin de ce village haï. Ai-je rêvé alors ces cloches tonitruantes que je croyais entendre? J’ai distingué une colonne d’autos sur le lacet dessiné au milieu des champs jaunâtres. Mais je n’arrivais pas à savoir si elle quittait le village ou si elle s’y rendait. J’ai eu comme un vertige, ma vue s’est brouillée, j’étais aveuglé..
Dans la petite pièce, trônait un misérable lit de camps à la toile revêche souillée. Une table juste à côté et une armoire minuscule. J’ai pensé à mes filles, on aurait dit une armoire de poupée, étroite et fermée à clé. Ce qui m’a paru encore plus étrange et dérisoire. Et puis il y avait au dessus du lit, une aquarelle au ton pastel, encadrée, représentant une perdrix posée sur la main d’une jeune fille nue. C’était atroce mais je ne pouvais détacher mon regard de cette toile infâme.

J’ai ouvert le petit tiroir de la table sur laquelle  un petit vase de terre cuite contenait trois fleurs sales en tissu. J’ai tiré d’un coup sec devant la résistance du tiroir et je suis resté interdit devant son contenu: trois billes en agate, quelques couverts en alu tordus, un papier jauni plié en quatre impossible à ouvrir, quelques pièces de monnaie, des cartouches de fusil, une petite serviette brodée et un clé rouillée que j’attrapais comme si c’était le trésor que je recherchais. La clé ouvrait l’armoire bancale. A l’intérieur, un vieux ciré, un os de jambon au relent de fromage et une carabine en parfait état. J’ai vacillé jusqu’au lit, je m’y suis effondré et j’ai pleuré comme jamais je crois. Je regardais mon destin en face, je ne pouvais plus reculer, j’étais allé trop loin.

6. J’avais fini par m’endormir sur ce petit lit de fortune. Lorsque je me réveillais, je m’étonnais de trouver, serré contre moi, ce fusil étincelant. Les larmes séchées sur mon visage, avaient perlé sur le métal pour y former de petites auréoles. Je m’assis à nouveau, sans lâcher mon arme, qui semblait maintenant faire partie intégrante de mon corps sec. Avec la petite serviette brodée, je me mis à lustrer l’engin; je dégageais de ce geste anodin un plaisir indescriptible né des multiples hypothèses que le fou que j’étais inventait dans l’objectif insensé de se sentir enfin libre…
Je songeais au retour, je m’imaginais aussi franchir les frontières du royaume interdit qui m’avait jusqu’ici refusé son entrée. Je rêvais de retrouvailles, d’étreintes, de cris, d’effusions exagérées, de plaisirs charnels aussi. J’étais un homme qui recouvre toutes ses facultés d’un coup et s’en enivre.

Je finis par lâcher ce nouveau membre que je portais en bandoulière pour descendre de la cabane. J’avais rempli ma poche d’une poignée de cartouche, en avait inséré deux dans le chargeur; je jubilais carrément rien qu’en écoutant les déclics métalliques du fusil qui se plie en deux. J’avais décidé de reprendre la route.. J’étais un peu comme l’amant qui monte allègrement sur le piédestal invisible que lui a façonné l’amoureuse. Conscient de la supercherie mais heureux d’en faire partie.
Je m’étonnais de cette force nouvelle qui avait dessiné sur mon visage un sourire un peu figé. Pour la première fois, je n’avais plus peur, je n’avais plus rien à craindre. Alors je pouvais siffloter en marchant, répondre au tintamarre des oiseaux invisibles. J’étais excité comme une petit enfant qui attend la cloche annonçant la récréation, qui a des fourmis dans les jambes et ressent ce besoin incontournable de se défouler.
J’avais besoin de partager cette ivresse, recherchais un témoin, le premier venu ferait l’affaire.  Je sentais physiquement le pouvoir qui se dégageait de mon nouvel ami pour rejaillir sur moi. Avec lui, j’aurai tout le loisir de me conduire en tyran. J’étais devenu le maître du temps, alors je n’étais plus impatient mais au contraire, j’avais ce désir de profiter encore de quelques plaisirs comme aller me baigner dans l’eau fraîche de la rivière. Je voulais me sentir pur pour le grand passage. J’aurais aimé cependant parler à un humain, une dernière fois, expliquer mon geste, évoquer les miens, mais j’étais seul. Alors je me mis à parler à voix haute en tutoyant mon arme.

J’eus un peu de mal à me détacher de cette belle carabine, que je cachais soigneusement sous la pile de mes vêtements. J’étais nu, face à la rivière; je sentais un petit vent tiède et léger masser mon corps. Je pris tout mon temps avant de m’enfoncer tranquillement dans l’eau glacée.  Je n’y restais pas longtemps, mais suffisamment pour me sentir revigoré de l’intérieur. Je m’ébrouais en atteignant la rive, émis un cri rauque de soulagement après mon petit exploit lorsque je m’aperçus qu’un homme était assis juste à côté de mes habits. Un vieil homme au regard acéré, au sourire amusé, armé d’une canne à pêche. Il me fixait sans mot dire. Je sentis aussitôt le goût de la mort sur mon palais, et dans une geste dérisoire essayais de cacher ma nudité. A ce geste, il émit un éclat de rire si puissant qu’il me glaça le sang.

7.  Je me tenais là, debout devant le vieillard assis sur le talus. Nos regards aimantés, nous restions muets, à nous jauger comme deux gamins, le premier qui parlerait aurait perdu. J’avançais pour attraper mes vêtements et m’habillais prestement sans qu’il me quitte de son regard perçant. Je m’aperçus alors que ma carabine avait disparu, je la cherchais du regard tandis qu’il repartait de son rire infâme qui ne collait pas du tout à son physique de vieux sage.
“Rendez-moi mon fusil, s’il vous plait” Ma voix tremblait, j’avais peur à nouveau. Il devait le sentir d’ailleurs car il ne répondit pas mais conserva une mine concentrée. Je répétais la même phrase un peu plus fort, peut-être était-il seulement un peu dur d’oreilles comme tous les vieux. Mais il m’ignorait superbement. Je me sentais faible et humilié par un inconnu grabataire ce qui fit monter une sourde colère qui me fit tressaillir.   Son rire avait cessé brutalement, il se mit à dodeliner de la tête en entonnant une ritournelle enfantine que je connaissais pour l’avoir entendue de la bouche même de mes filles. Sa voix haut perchée me décontenança davantage encore que son rire sardonique. Je pensais alors qu’il devait faire partie de ceux qu’on nomme les idiots du village, il était le simplet, l’illuminé. Je l’enviais et m’inquiétais en même temps. Un simple d’esprit en possession d’une arme dont je me souvins alors que je l’avais chargée moi-même, était capable de tout : s’en emparer prestement suite à un geste brusque de ma part et se mettre à tirer, au hasard, n’importe où, sur n’importe qui….

Il se leva et je fus abasourdi de constater qu’il était plus grand que moi, qu’il paraissait bien plus fort aussi. Il avança la main jusqu’à ma chevelure qui retombait sur mes épaules, ce qui n’avait pas l’air de lui plaire: il fronçait les sourcils en remuant la tête et murmurait des mots incompréhensibles. Soudain, il tira une mèche avec tant de violence, qu’un cri m’échappa et me fit baisser la tête. Je me retrouvais à genoux devant lui.     Je n’osais plus prononcer un mot de peur de déclencher une nouvelle réaction inconsidérée. Je savais deux choses à présent: il était fou, cela ne faisait plus de doute mais il était puissant aussi. J’abandonnai bien vite l’idée de me battre avec lui. Il n’avait que l’apparence d’un vieil homme. Je relevais piteusement la tête en gardant cette posture de soumission ridicule.
” Alors, tu veux mourir? Et tu pleurniches au premier petit bobo…” commença-t-il en lâchant mes cheveux. Puis il se rassit, comme si de rien n’était et fixa à nouveau la ligne de sa canne à pêche. Son visage alors n’exprimait strictement rien mais m’inspira un profond respect. Je m’assis à ses côtés et me mis à pleurer doucement.
Qui était-il? Certainement pas le simplet que j’avais imaginé. Il semblait me connaître intimement. Un homme armé d’un fusil dans une forêt, quoi de plus banal. Alors comment avait-il deviné des pensées si secrètes que je n’avais même pas osé formuler? Comment avait-il pris connaissance de mon terrible dessein? Qui était ce vieillard qui me regardait maintenant exactement de la même façon que ce cerf rencontré à l’aurore dont je gardais intact le souvenir d’une douceur divine?

Je remarquai le silence qui régnait. Cela n’était pas normal: nul cri d’oiseau, pas même un clapotis de l’eau, ni un sifflement de vent dans mes oreilles. Rien, strictement rien, et c’était effrayant. Je regardais le profil du vieil homme qui semblait rajeunir sous mes yeux. Il restait impassible, un sourire sur le visage. Nul doute qu’il était à l’origine de ce changement brutal.
Je ne pouvais que constater qu’en moins d’une demi-heure, cet étrange  inconnu me faisait toucher du doigt mon attachement viscéral à cette vie fragile et misérable en même temps. Il me tendit alors mon arme, comme s’il était sûr que tout danger était maintenant écarté. Je m’en emparais prestement et le mis en joue. .

8. Pendant que je le tenais à bout portant, il continuait de me fixer sans ciller. Je l’interrogeais du regard, le bras tremblant, tandis qu’il souriait tranquillement, nullement effrayé. Evidemment, il avait du prendre soin de retirer les cartouches avant de me rendre mon bien le plus précieux!  J’avançais d’un pas, jusqu’à ce que le canon pointe son cœur, puis d’un mouvement sec tendis mon arme vers le ciel. La détonation déchira le silence et me laissa interdit. Il n’avait pas tressailli, restait imperturbable; à peine pouvais-je lire sur son visage une légère déception qui me força à lâcher l’arme qui avait par un malheureux hasard touché un canard, stoppant net son vol débonnaire.
Pour la première fois de ma vie, je venais de tuer par caprice ou par colère, par peur ou par ennui. J’étais devenu un pauvre type. Son regard se chargea d’une telle tristesse que la honte s’abattit sur moi, j’aurais pu le tuer comme ça, sur un simple coup de tête. S’il me restait une part infime de considération pour mon âme perdue, elle s’était envolée avec le “plouf “de l’oiseau tombé dans l’eau; il esquissa un geste vers moi, tandis que je reculais, les larmes dans les yeux, jamais je ne m’étais senti aussi piteux.
Sa voix se voila, ses propos se chargèrent d’une douceur soulignant ma sombre cruauté, mon égarement grossier. Je devais réparer, murmura-t-il. Si ce canard n’était pas mort pour rien, alors la vie reprenait le dessus. Je me devais d’aller chercher le corps, le plumer et finir par le manger afin que justice lui soit rendue. Je ne cherchais pas à comprendre et obéis docilement.
Je m’étais laissé aller sur l’herbe humide en buvant ses paroles, encore incrédule. Il s’est alors agenouillé à mes côtés, les deux bras tendus sur mes épaules, me forçant à relever la tête et soutenir son regard noisette. Il était beau, c’est tout ce que j’étais capable de penser pour l’instant. Je me sentais d’autant plus misérable. Il me secouait légèrement, comme pour me faire comprendre que ce n’était pas si grave, que je n’avais, en somme que répondu à un réflexe bien humain, même s’il était affligeant.  Il m’encouragea, m’aida même à me relever et me donna la main pour me montrer le chemin. Je me dévêtis à nouveau, sentis mes pieds s’enfoncer dans le sable grossier qui bordait la rivière, marchai dans l’eau jusqu’aux genoux puis me mis à nager sans quitter du regard les plumes mordorées qui flottaient encore à quelques dizaines de mètres de moi. Lorsque j’arrivais à la hauteur du défunt volatile, il avait disparu et je dus plonger pour le récupérer. Je réussis à le saisir malgré le dégoût profond qui m’assaillit au contact du plumage visqueux de la bête.

Je présentais mon triste trophée au vieil homme qui hocha la tête en silence et toucha du pouce le front de l’animal. Puis, d’un simple regard m’engagea à poursuivre ma tâche. ” Une fois ton travail accompli, tu auras à entendre une nouvelle heureuse et douloureuse à la fois; tu devras cette fois te montrer à la hauteur; je t’aiderai…”.

Je partis à la recherche de brindilles et petits bois nécessaires à la préparation du feu. De temps à autres, je l’observais: immobile, assis en tailleur, les deux bras tendus sur ses genoux il semblait plongé dans une profonde méditation et me laissait libre de mes allées et venues, les bras chargés, toujours nu, toujours honteux.
J’appréhendais cette nouvelle dont la cruauté ne faisait aucun doute. L’impatience agitait mon esprit mais je voulais me montrer digne et ramassais avec précaution les branches mortes qui composeraient bientôt le bûcher où j’avais décidé de jeter une fois pour toute ma vanité et mon orgueil qui me faisaient pitié.

9. La nuit tombait quand nous finîmes de manger. Le repas s’était déroulé dans le silence, le vieil homme mâchait consciencieusement tandis que j’avalais de grandes bouchées de ce canard cuit à point. Il essuya ses lèvres du revers de sa manche, me sourit et m’invita à m’approcher.
” -Sais-tu depuis combien de temps tu es dans cette forêt, Simon?
- Un mois ou deux, peut-être trois, je ne sais plus, j’ai perdu la notion du temps comme du reste, je le crains…
- Cela fera neuf mois dans quelques jours, Simon; il est temps de rentrer à présent, ne crois-tu pas? Ta famille t’attend…
- Je n’ai plus de famille et c’est la guerre…
- Tu te trompes sur ces deux points, Simon. »

La guerre avait cessé quelques semaines plus tôt ; peut-être ce jour où j’avais entendu au loin les cloches retentir…Le village s’était repeuplé petit à petit, les soldats étaient rentrés à la maison. Pas mes frères : deux d’entre eux étaient morts sur le front, le troisième disparu comme moi. Sauf que si on n’avait pas retrouvé son corps, sa mort ne faisait aucun doute. J’étais le dernier…

Il m’avait laissé pleurer sans chercher à me consoler. Son visage restait sévère, il ne s’apitoierait pas sur mon sort et n’avait visiblement aucune pitié pour ma réaction puérile, ma fuite éperdue devant un chagrin trop lourd pour moi. Je n’avais pas réfléchi, j’avais couru le plus longtemps possible, j’avais même failli étrangler ce gamin. Je songeais subitement à ce regard que je n’avais pas oublié et qui s’était rappelé à moi juste avant ma rencontre avec le vieil homme… Il ne répondit pas à mes divagations, me révéla juste son nom : il s’appelait Joseph, c’est tout ce que je saurais de lui. Puis, il reprit son récit, en posant une main sur mon épaule comme il l’avait déjà fait auparavant, pour me soutenir encore.

Mathilde et les filles étaient saines et sauves! Pendant que je me baladais dans le village désert sur lequel pleuvaient les bombes, ma femme avait rassemblé les enfants et s’était réfugiée chez ses parents, à quelques centaines de mètres, plus bas dans la même rue. Moi, je fumais ma cigarette…

Clara, Sasha et Hannah, mes trois adorable petites filles que je pourrais sous peu serrer à nouveau dans mes bras…Vivantes ! J’avais peine à le croire, mais ne remettais plus en doute les prophéties du vieillard.
Il m’avait simplement raconté ce que lui même avait appris en traversant ce village où le mystère de ma disparition alimentait encore les conversations. La guerre ayant cessé, on avait alors déblayé les décombres afin d’enterrer les morts et achever ce deuil qui ne dit pas son nom. Mon corps n’avait pas été retrouvé, et pour cause.

L’angoisse qui m’étreignit alors se teinta d’une honte indescriptible. Quel gâchis! Quel pleutre j’étais! J’appréhendais mon retour, le regard de ma femme, de mes filles, de mes amis, de mes clients… .
Le vieil homme restait neutre, n’avait pas répondu à mon euphorie passagère suivie aussitôt d’un terrible abattement. Neuf mois, une éternité, une parenthèse. Je m’accrochai au vieil homme, le suppliai de m’accompagner, de ne pas me laisser seul face à ce terrible sentiment inédit où joie et tristesse se mêlent, le chagrin de la perte, l’euphorie des retrouvailles. Tout cela était trop pour moi, je n’étais pas encore prêt, totalement perdu.
Il ne répondit pas. Me laissa seul avec ma honte, mon impuissance et un désarroi immense. Je cherchais du regard ma chère carabine…

10. J’avais suivi du regard la lente descente du soleil sur la ligne d’horizon de mon avenir que je savais déjà compromis. La boule de feu glissait irrémédiablement comme elle s’amusait à le faire depuis la nuit des temps, comme elle recommencerait le lendemain, inexorablement. Les nuages violets qui s’amoncelaient voilaient l’apparition de mon amie la lune, ma consolante, mon inspiration et mon espoir aussi.
L’homme à mes côtés somnolait tranquillement, rien ne semblait vouloir jamais le perturber, pas plus mon sort désespéré que sa propre agonie. Je haïssais sa sérénité, sa sagesse que je devinais assise sur une incompréhension profonde de l’âme humaine. Il avait sans vergogne déclamé la vie et la mort comme j’aurais parlé de poissons ou gibier. Je contemplais son visage sans la moindre émotion. J’étais juste encore un peu hébété mais la vérité s’assimilait petit à petit dans mon corps et mon esprit, je m’efforçais de ne songer qu’à cette brise tiède qui caressait mon visage.
Devant la vérité annoncée froidement, j’échouai à prendre le moindre recul. Ne cessai de mesurer ma bassesse infinie, ma lâcheté aussi, mon égoïsme, ma douleur apprivoisée dont je n’arriverai pas à me défaire de sitôt. J’avais développé un courage synthétique face à mes morts dociles. Ils m’appartenaient, évoluaient en fonction de mon inspiration; je pouvais les convoquer à ma guise, ils ne me décevaient jamais et je représentais leur héros. Je me connaissais assez pour savoir que je serai incapable de les regarder en face, toucher leur chair tiède et palpitante. Je préférais les souvenirs glacés qu’ils m’inspiraient, que je pouvais changer selon mon humeur, que je modelais de mes mains devenues calleuses, que je peignais d’un regard émoussé. Je ne pourrais  en aucun cas faire marche arrière. Comment ce vieux sage avait-il pu en douter?
Que s’était-il imaginé? Que j’allais le suivre tête basse jusqu’au petit village où l’on m’accueillerait en héros avant de pointer ma fuite éhontée… Il s’attendait peut-être à ma reconnaissance, ou qui sait ma conversion à sa propre religion basée sur la commisération à la seule fin de se sentir exister… J’éprouvais un début de pitié devant sa croyance due à son âge vénérable;. La joie ressentie un instant seulement ne m’avait été d’aucune utilité. Cette rencontre improbable s’avérait aussi vaine que le reste. Je me méprisais à hauteur du dégoût que j’éprouvais maintenant à l’égard de cet oracle imbécile. Il ne semblait douter de rien derrière son sourire béat et son regard las. Il avait l’air sûr de son fait, se satisfaisait peut-être de ce maigre pouvoir qu’il avait un instant exercé sur mon âme. Un rire m’échappa. Qui me sortit de ma torpeur. J’avais trop pleuré. Pour rien. C’était juste inacceptable, inconcevable pour le fou que j’étais devenu.
Au même instant, la lune avait réussi à percer le manteau vaporeux du mystère renouvelé. C’était la réponse que j’attendais..Elle s’amusait maintenant avec le reflet argenté de l’eau qui glougloutait faiblement et semblait murmurer à mon oreiller un refrain trop connu: La vie ne vaut rien, ne cherche aucun message, jouis de la beauté qui t’effleurera de temps à autres mais n’en attends surtout rien. Admire les astres et la nature mais ne te réjouis jamais de l’âme humaine qui n’en vaut pas la peine…. Je m’étais construit un abri inutile, avais conversé avec les anges, m’étais bâti toute une histoire qui me semblait crédible à défaut d’être belle. Et ce sombre inconnu avait tout gâché en voulant se donner le premier rôle d’une fable sans queue ni tête…
Il avait cependant oublié un détail, de taille: c’était moi le narrateur! Moi et personne d’autre et surtout pas ce personnage hors du temps, arrivé par surprise et qui n’avait pour seule vocation que bousculer un peu plus mes pauvres certitudes, poussées au même rythme que mes cheveux, dans l’ennui et l’indifférence.
A quoi s’attendait-il, cet illuminé solaire au rire tonitruant? Ma décision fut prise au moment même où la horde de nuages dégagea le ciel de tant de questionnement sans aucun fondement. Enfin, les étoiles se révélèrent comme un banc de poissons d’argent dans un ciel éclairé.
Il était trop tard à présent. On ne repasse pas aussi aisément de l’autre côté du miroir, une fois qu’on a jeté aux oubliettes les dictionnaires obsolètes qui ne déchiffrent rien. Le métal brillait dans la nuit, je chérissais cet objet, je ne précipitais rien puisque maintenant je savais. Je me refusais à participer à cette piteuse imposture. Je m’allongeais dans l’herbe humide et goûtais cette heureuse sensation d’une liberté à portée de main. Mon bonheur était total à cet instant; j’allais devenir un magicien. Ce n’était qu’une question de temps et j’avais compris que le temps n’est rien. Rien n’existe et c’est tant mieux!
Lorsque j’appuyais enfin sur la gâchette, je n’entendis strictement rien. J’étais seul à nouveau, sans témoin inutile, j’étais bien, j’ai souri  juste avant de m’endormir.


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