Images de Rivière-du-loup et de Montmagny
Ce fut le fleuve qui a décidé. Les vagues et le vent, le ciel et l’humidité.Une petite semaine parce qu’on annonçait beau et chaud.
Pour vivre encore un peu l’été.
Je voulais me rendre à Sainte-Flavie, je me suis arrêtée à Rivière-du-Loup et je suis revenue passer quelques jours à Montmagny.
Les rives du fleuve, ma deuxième maison, mon attrait, mon attirance, ma soif et mon breuvage.
Surtout quand il fait doux, même si, comme chez moi, le vent est omniprésent et nous joue parfois des tours.
Ce fut le camping, le caravaning. J’aime bien, pendant quelques jours, vivre entourée de véhicules récréatifs. Je les regarde arriver et partir. En visiter, comparer, en jaser avec les propriétaires. Et vivre dehors ou à l’intérieur, dans ce petit 150 pieds carrés.
Ce fut le grand air, l’observation des sarcelles, des hérons et des goélands. Ce fut la marche dans les campings, le vélo dans les pistes cyclables ou sur les sentiers au bord du fleuve. S’assoir sur les bancs publics, regarder les traversiers pour Saint-Siméon ou l’île aux grues. Espérer apercevoir quelques bateaux, toutes voiles levées. Longer les rues tranquilles, examiner l’architecture des maisons et des édifices, les plus vieux du siècle dernier de briques et de pierres aux nombreuses arêtes de toitures comparativement aux lignes épurées et aux couleurs limitées. Rêver du jour où je ne pourrai plus entretenir la mienne. Où irai-je? Imaginer plus petit, un village de mini-maisons. Un grand camping, un Resort. Pas tout de suite, mais un jour. À défaut du fleuve pour ne pas me déraciner de ma Petite-Nation, au bord d’une rivière, peut-être?
Ce fut le partage d’une bière les après-midis chaudes ou un café les matins de vent du nord. La visite à une poissonnerie, l’approvisionnement en poisson frais pour quelques mois.
Ce fut la lecture: Bercer le loup de Rachel Leclerc. Une histoire qui se passe entre le Forillon d’avant l’expropriation et le Carleton sur mer parce qu’il faut au moins rester au bord de la mer. Ce ne fut pas tant l’histoire que le style qui m’a plu. Ce ne fut pas tant de lire ce roman au bord du fleuve qui m’a ravie, c’est de m’être délectée du style de l’auteure.
Sanctuaire d'oiseaux aquatiques (des sarcelles ce jour-là), à Montmagny
Rachel Leclerc. Un nom qui ne me disait rien il y a un an encore. Une écrivaine qui n’obtient pas la visibilité médiatique des trentenaires universitaires, mais que je suis heureuse d’avoir trouvée comme un trésor d’autant plus précieux qu’il n’est pas dans toutes les vitrines, ce qui pour moi, parfois, n’est pas un indice de qualité. Je n’aime pas qu’on me force la main en écrivant « best-seller » sur un livre.La première fois que j’ai vu ce nom, c’était dans Le Devoir. Dans un article signé Danielle Laurin, une phrase m’avait frappée : « Je suis beaucoup plus littéraire qu’historienne. » Des propos de Rachel Leclerc. Je ne sais pas pour les autres ouvrages, j’irai voir, c’est certain, mais pour Bercer le loup, le style littéraire m’a enchantée. Magnifique.
« Et que je t’enlace, que je te berce d’un bout à l’autre du lit, que je te flagelle avec mes bras devenus branches mortes, que je te bande comme un arc et te possède, t’arrache les cris que je retiens moi-même pour ne pas empirer la douceur et pour que tu me croies robuste. Que ton vent me soulève, que ta vague me plie en quatre. »Et quelle structure! Les allers-retours entre 1970, année de l’expropriation, et la fin des années '90 nous montrent trois générations, nous révèlent des personnages forts, brisés, humains. Certains crient vengeance, d’autres portent leur colère jusqu’à la mort. Rien de linéaire et pourtant tout est clair, tout est dit. Coup de chapeau, tour de force, admiration jalouse, madame l’auteure.
Ce fut une semaine parfaite. Des jours de soleil qui m’ont fait oublier la mammographie annuelle. Le vent a chassé ma peur.