J’ai eu beaucoup de travail, ces dernières semaines, d’où le peu de textes mis en ligne sur ce blog. J’ai quand même noté que l’écrivain kirghiz Tchinguiz Aïtmatov était mort, le 10 juin dernier. Il avait 79 ans.
J’en suis désolée et pourtant je n’ai lu aucun de ses livres. Pourquoi s’intéresser alors à cet homme venu des steppes lointaines ? Parce qu’il m’a remémoré un ami très cher, décédé lui aussi. Il s’appelait Jacques Dextreit et c’était un grand amateur de Tchinguiz Aïtmatov. C’était un grand amateur de beaucoup de choses d’ailleurs : d’art africain, de curiosités de la vie, de voyages. Il était excellent joueur d’échec et raffolait des romans de Aïtmatov au point de presque me considérer, moi, russophone et résidente régulière en Union soviétique, comme un traître à la cause du peuple pour n’avoir pas appris par coeur des ouvrages dudit.
Il avait découvert Aïtmatov avec Nouvelles des montagnes et des steppes, un recueil qui avait valu à son auteur le prix Lénine en 1963. Il avait vu, bien sûr, Premier maître, un livre écrit à la même époque et qui avait été adapté au cinéma par Andréï Mikhalkov-Kontchalovski. Je n’ai jamais raffolé des écrivains soviétiques, trop conformistes à mon goût et corsetés par une administration asséchante pour laquelle je n’avais que peu d’estime. Celui-ci, comme des milliers d’autres Soviétiques, avait vu son père fusillé en 1938 comme “ennemi du peuple”. Cela ne l’avait pas empêché de devenir secrétaire du soviet de Cheker, sa ville natale située dans le nord du Kirghizstan, à l’âge de 14 ans.
Le hasard a voulu que le décès de Tchinguiz Aïtmatov coïncide avec la sortie en France de son dernier roman, Le Léopard des neiges. Encore un clin d’oeil de la mort à la vie qu’aurait apprécié mon ami Jacques Dextreit.