Zoomons sur l'illustration centrale, représentant Grégoire Braban filant sur ses rollers vers la ville d'Orange. Il n'est pas tout seul.
Dans ses bras, une poule, et pas n'importe laquelle. Une poule qui apparaît dans le récit à la page 56 : une poule cayenne naine qui ne songe, semble-t-il, qu'à quitter la maison Braban.
Pourquoi ce qualificatif de cayenne ? Wikipedia nous apprend que "Pierre Vialatte, directeur du bagne (1880-1892) de Saint-Laurent du Maroni accordait aux détenus les plus "méritants" un privilège, celui d'avoir, dans l'enceinte du bagne, un bout de potager et une petite basse-cour. Pour la discrétion, les détenus adoptèrent la "poule cayens" dite "poule naine". Pour les bagnards qui avaient purgé leur peine et qui pouvaient rentrer en métropole(courtes peines), le gallinacé était devenu cayenne en référence à leur ancien lieu de détention. Jusque dans les années 1950, il était mal vu d'avoir dans sa basse-cour des "poules cayenne", signe de mauvais augure."
Nous avons peut-être là, avec cette superstition, un premier indice pour l'explication de la présence d'une poule cayenne dans cette histoire. Sans cette poule, elle fonctionnerait tout autant, mais il manquerait un de ces éléments d'étrangeté que l'auteur aime disséminer dans ses intrigues. Cette poule, contrairement à ses congénères plutôt portées sur la sédentarité, a l'âme vagabonde, "âme western" dit Grégoire. C'est une migratrice, alors au moment où il doit partir pour Orange, il emporte Calamity Jane avec lui.
En contrepoint, son frère Gratien égrène quelques vers du célèbre Lac de Lamartine :
" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !Je me suis demandé aussi pourquoi Calamity Jane. Au-delà de la proximité phonique avec "Cayenne naine", il y a peut-être une allusion à une biographie d'Hortense Dufour, Calamity Jane, Le diable blanc, publiée en 1986.
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !
Fred Vargas, qui joue dans ce livre comme dans beaucoup d'autres, sur les pratiques ésotériques et les théories occultistes, s'amuse à prendre le contrepied des symboles maléficiés. La poule, loin de porter malheur, accompagne le héros dans sa quête, et ce n'est pas hasard si on la retrouve à la toute fin du livre, entre Adamsberg et Grégoire.