C'est une des belles surprises de la rentrée littéraire : la biographie drôle et décalée de La Fontaine par Erik Orsenna. Un livre savoureux qui se déguste comme une gourmandise.
Quatrième de couverture : Depuis l'enfance, il est notre ami. Et les animaux de ses Fables, notre famille. Agneau, corbeau, loup, mouche, grenouille, écrevisse ne nous ont plus jamais quittés. Malicieuse et sage compagnie !
Mais que savons-nous de La Fontaine, sans doute le plus grand poète de notre langue française ?
Voici une promenade au pays vrai d'un certain tout petit Jean, né le 8 juillet 1621, dans la bonne ville de Château-Thierry, juste à l’entrée de la Champagne.
Bientôt voici Paris, joyeux Quartier latin et bons camarades : Boileau, Molière, Racine.
Voici un protecteur, un trop brillant surintendant des Finances, bientôt emprisonné. On ne fait pas sans risque de l’ombre au Roi Soleil.
Voici un très cohérent mari : vite cocu et tranquille de l’être, pourvu qu’on le laisse courir à sa guise.
Voici la pauvreté, malgré l’immense succès des Fables.
Et, peut-être pour le meilleur, voici des Contes. L’Éducation nationale, qui n’aime pas rougir, interdisait de nous les apprendre. On y rencontre trop de dames « gentilles de corsage ».
Vous allez voir comme La Fontaine ressemble à la vie : mi-fable, mi-conte. Gravement coquine.
Mon avis : Nous avons tous appris au moins une fable par cœur et pourtant, la plupart d'entre nous ne sait rien sur la vie de Jean de la Fontaine. Dans La Fontaine : une école buissonnière, Erik Orsenna retrace la vie du poète au travers d'anecdotes.
Ecrite initialement sous la forme de chroniques diffusées cet été sur France Inter, cette biographie amoureuse, originale et légère, se lit toute seule. Loin du récit linéaire de la vie de La Fontaine, Erik Orsenna raconte les anecdotes qui ont marqué la vie du poète avec un humour délicieux. On apprend par exemple qu'il était le protégé du surintendant des finances Nicolas Fouquet, fait enfermer par le Roi Soleil parce qu'il en était jaloux. Qu'il s'est disputé avec Boileau pour une place à l'Académie Française (qu'ils ont finalement tous deux obtenue), qu'il encourageait sa femme à le tromper ou encore qu'il a écrit des contes érotiques qui lui valurent les foudres de l'abbé Pouget. Les chroniques sont d'ailleurs entrecoupées d'extraits choisis parmi les œuvres de La Fontaine. Erik Orsenna nous fait ainsi découvrir des fables méconnues, des vers et correspondances, sans oublier quelques passages des contes érotiques du poète, histoire de nous donner un aperçu de la friponnerie du bonhomme. Côté plume, j'ai bien senti qu'Erik Orsenna s'était fait plaisir en écrivant ces chroniques. Il se livre à un véritable exercice de style où bons mots et tournures originales donnent de la vivacité et une certaine authenticité au récit. En somme, c'est comme si on se retrouvait propulsé au milieu du 17ème siècle, à la table de La Fontaine. Voilà une belle manière de rendre hommage au formidable travail du poète sur la langue française !
Seul bémol : je regrette la fâcheuse tendance d'Erik Orsenna à se comparer au poète et à ramener le récit à soi. Une manie un poil énervante qui, heureusement, ne s'éternise pas.
Finalement, j'ai pris un grand plaisir à lire ce livre qui se déguste comme une gourmandise et donne envie de relire les Fables de La Fontaine ! Sautez sur cet ouvrage qui vous montrera le poète sous un angle moins académique. En attendant, vous pouvez toujours écouter le podcast des chroniques d'Erik Orsenna sur France Inter.
Lisez-le si... les Fables de La Fontaine vous ramènent en enfance.
Le livre : La Fontaine : une école buissonnière d'Erik Orsenna Editions Stock (2017), 198 pages
Je remercie les éditions Stock pour cette lecture.