De par chez nous, on ne nomme pas trop le Diable... On s'en sort en le nommant : L'Autre... ou le Chose. Les prêtres le nomment clairement comme le Maufait, le Mauvais, le Malin … Mais en ce temps là, il s'agit non pas du Diable, mais d'un démon...
Le démon ici nommé et qui s'en prend à Roger de Laron, se nomme Brundemor. Ce démon est bien connu, sa notoriété connue jusqu'en Normandie, a pris naissance en Espagne.
Voici comment :
Au Moyen-âge, parmi les histoires édifiantes, que l'on aime raconter par nos régions, il y a celle de saint Jean Guérin, un ermite, dont on conserve - au trésor de Montserrat - les reliques.
Le comte de Barcelone avait une fille d'une beauté si merveilleuse, qu'on ne pouvait la voir sans en devenir amoureux. Richilde était dans tout l'éclat de ses charmes, lorsqu’elle se trouva possédée par un démon, du nom de Brundemor.
La jeune fille annonce qu'à son âge elle doit jouir d'elle-même et que c'est duperie de mortifier ses sens et la luxure s'allume dans ses veines...
Les exorcistes ordinaires ne pouvant la libérer, son père la conduisit à un ermite, nommé Jean Guérin, et surnommé le ''saint homme de Montserrat'', qui avait déjà chassé plusieurs démons avec le plus grand bonheur... Et, c'est précisément ce que le diable avait calculé...
On amène Richilde à Jean, qui réussit en effet à chasser Brundemor du corps de la possédée. Mais le démon, en sortant avec un cri affreux, annonce qu'il reviendra bientôt et que la fin de l'aventure tournera mal pour certaines personnes...
Afin de mettre Richilde à l'abri du retour offensif de Brundemor, son père supplie Jean de la garder avec lui pendant une huitaine de jours. D'abord Jean refuse ; mais ensuite il se laisse fléchir et consent à recevoir la jeune fille dans sa grotte.
Après que la suite du comte se soit retirée, Jean est assailli par une tentation invincible, et, malgré les objurgations de celle qu'on lui a confiée, il fait violence à Richilde.
Mais cette fureur bestiale ne dure qu'un instant, et dès que le crime est commis, le coupable, saisi de remords, court s'en confesser à un faux ermite dont le diable avait pris la figure et l'habit. Le perfide confesseur feint une extrême sévérité, exagère encore l'énormité de la faute, représente à son pénitent sous un aspect terrible les funestes conséquences qui en résulteront, tant pour Jean lui-même que pour tous les ermites; finalement, il lui conseille de tuer Richilde et d'enterrer le cadavre : de cette façon, toute preuve du forfait disparaîtra, et Jean pourra affirmer au comte Vifroy, sans crainte d'être démenti, qu'il lui a renvoyé sa fille guérie, mais que sans doute un malheur est arrivé à la voyageuse pendant qu'elle retournait chez elle. Jean suit ce conseil diabolique, tue Richilde et l'enterre au fond de sa grotte.
Mais bientôt de nouveaux remords le tourmentent. Il comprend trop tard qu'un tel confesseur ne pouvait être que le diable en personne. Il va trouver l'évêque et lui avoue son double crime. L'évêque lui impose pour pénitence de retourner au Montserrat, de renoncer à la parole, de marcher désormais à quatre pattes comme les bêtes et de se nourrir en broutant l'herbe, jusqu'à ce que Dieu lui fasse connaître par un signe que le pardon lui est accordé.
Pendant sept ans, Jean exécute rigoureusement les ordres de l'évêque. Après ce temps écoulé, il advient que le comte de Barcelone et son fils, venus au Montserrat pour chasser, rencontrent cet homme aux allures de bête, qu'ils prennent pour un animal étrange et d'une espèce inconnue. Ils s'emparent de lui, le chargent de liens, l'emmènent à Barcelone pour le montrer au roi Ferdinand et à sa cour.
Tandis que le roi et les courtisans considèrent cet homme-bête avec curiosité, voici que, tout à coup, un enfant en bas-âge appelle Jean Guérin par son nom, lui annonce, de la part de Dieu, que son grand péché lui a été remis et qu'il peut reprendre la forme humaine. Jean se redresse, tombe à genoux devant le comte ( le père de Richilde) , lui fait le récit véridique de tout ce qui s'est passé, et s'offre à subir en expiation les plus cruels supplices. Mais le comte, étonné de cette histoire prodigieuse, commande seulement à Jean de le conduire à l'endroit où a été enterrée sa fille.
Des ouvriers creusent le sol de la grotte, et ce qu'ils mettent à jour, ce n'est pas le squelette, c'est le corps vivant de la jeune fille. Richilde, miraculeusement revenue à la lumière, explique qu'au moment où frère Jean Guérin lui donnait la mort, elle a invoqué sainte Engrâce. C'est donc à la protection de cette sainte qu'elle doit d'être sortie vivante du tombeau ; et elle demande à son père et à son frère d'élever sur le lieu du miracle une église et un couvent, où elle se propose de passer dans une pieuse retraite le reste de ses jours.
Voici, donc, racontés - aux travers de cette légende populaire - les méfaits du démon Brundemor. Ce même démon qui s'en prend à présent à un seigneur limousin... !