Revue de presse BD (249)

Publié le 26 octobre 2017 par Zebralefanzine @zebralefanzine

+ BD-Zoom signale la publication d'un album d'Harvey Kurtzman (1924-1993) (aux éds Wombat), cofondateur de la revue satirique américaine "Mad", qui exerça une certaine influence sur les humoristes français ("Fluide-Glacial", "Pilote"...).

L'auteur de l'article mentionne au passage le lancement par Kurtzman d'un (éphémère) magazine baptisé... "Trump", et financé par le patron de presse pornographique Hugh Hefner ("Play-Boy").

Commentant l'article de Franck Guigue, un lecteur de BD-Zoom fait remarquer la difficulté de traduire l'humour d'Harvey Kurtzman en français.

+ Guillaume Doisy ("Caricatures & Caricature") aborde le problème de la caricature et de l'antisémitisme dans un long article truffé de références portant sur la presse illustrée de la fin du XIXe siècle. L'auteur pose la question de savoir si la caricature fut une figure majeure du discours antisémite ? Son étude est focalisée sur la gazette "La Libre Parole illustrée" du pamphlétaire antisémite E. Drumont.

Comme la caricature a servi au cours des derniers siècles à la promotion des idéologies occidentales les plus sinistres et meurtrières (nationalisme, communisme, nazisme, etc.), la question posée par G. Doisy revient à se demander s'il y a un lien spécial entre l'antisémitisme et la caricature. G. Doisy conclut que "S’il ne faut pas minorer l’extrême violence de certaines caricatures diffusées par "La Libre parole illustrée", il faut souligner néanmoins leur rareté."

Précis et bien documenté, l'article entretient néanmoins le préjugé qu'il y a, entre le discours antisémite et le massacre des Juifs au cours de la seconde guerre mondiale, un lien de cause à effet. L'étude historique approfondie de cette période consiste en effet à élucider la ou les causes véritables du conflit, par-delà le(s) prétexte(s) invoqué(s) par les élites politiques pour mobiliser les masses. En se limitant au prétexte, on déduirait que la haine du riche, sur quoi repose largement la démagogie communiste, est la principale cause des massacres perpétrés par le régime soviétique (on passerait ainsi complètement à côté du mobile nationaliste très puissant, sous-jacent au communisme d'Etat...).

Une autre source de confusion consiste à présenter l'antisémitisme comme une sorte de "golem" puissant et unifié, alors même que l'antisémitisme se présente plutôt comme une nébuleuse idéologique, dont certaines tendances se combattent parfois. On mesure par exemple l'écart entre l'antisémitisme contemporain de l'affaire Dreyfus et l'antisémitisme plus tardif du régime nazi au fait que, du point de vue antidreyfusard, "Juif" et "Allemand" sont quasiment synonymes.

Il est assez évident que l'émergence récente du nationalisme juif a nettement modifié la perspective de l'antisémitisme, mais aussi de ses détracteurs, qui ont tendance à minimiser dangereusement l'importance du mobile nationaliste sous-jacent, auquel l'antisémitisme fournit un argument démagogique supplémentaire, populiste ou moderniste (dans le cas de l'antisémitisme nazi, appuyé sur un darwinisme social pseudo-scientifique).

En affirmant que "(...) la caricature politique en cette fin de XIXe siècle fait généralement preuve d’une violence extrême, intégrée dans les mentalités collectives", G. Doisy ne fait que répéter le poncif qui assimile l'outrance de la caricature à la violence, poncif véhiculé afin de stigmatiser un genre populaire et incriminer a posteriori le "populisme". Si l'on songe aux manifestations à la fois les plus extrêmes et les plus modernes de la violence, on constate qu'elles sont souvent conçues et élaborées dans des ambiances feutrées, avec beaucoup de précautions de langage. Le "politiquement correct", en traquant la violence des mots, n'a pas effectivement aboli la violence.