blablabla : tu parles !

Publié le 19 octobre 2017 par Malm @3615malm

L’Encyclopédie de la Parole (projet artistique ambitieux qui explore la question de l’oralité) révèle son blablabla, spectacle jeune public. Ou plus exactement : tout public.

Actuellement et jusqu’au 29 octobre au Paris Villette

Armelle Dousset est extraordinaire, seule en scène dans cette pièce hors norme construite dans sa structure et sa forme par Joris Lacoste et Emmanuelle Lafon – la collecte des éléments sonore relève d’un travail plus collectif. Sur scène, l’interprète est équipée d’une tablette tactile multicolore. Ce dispositif lui permet de maîtriser en partie elle-même le lancement des sons et répliques à partir desquels elle rebondit physiquement, par sa voix, son corps. L’ensemble coule, fluide ; « Armelle Dousset la danseuse » fait toute entière résonance aux répétitions saccadées de phrases – relevant de situations diverses, parfois réelles ou totalement fictionnelles ; la comédienne rend audible l’écho du martellement des mots et des sons que génère cette écriture rare, grâce notamment à une maîtrise totale des enchaînements.

Des dizaines d’enregistrements de répliques, de phrases sont reprises, compilées pour créer un univers sonore représentatif de celui dans lequel baignent les enfants d’aujourd’hui. Moments tout droit sortis de dessins animés, répliques phares de jeux vidéos ou de films mais aussi petites phrases d’hommes politiques, interventions de (très) jeunes youtubeuses, hip-hop, chansons (blablabla bien sûr !) babillages d’enfants – encore plus jeunes – annonces SNCF, tout passe par le filtre de la comédienne : sa voix, son interprétation portent en elles tout ce qu’on peut espérer de sincérité et de technique. Et, une nouvelle fois, Joris Lacoste tisse l’hypnose dans l’ensemble de la réflexion que porte le spectacle ; on sent, on entend : on nous parle même d’hypnotiser… des enfants ?

Justement très enthousiastes durant tous le spectacle, les enfants sont heureux d’être là, dans le public. Lors de la représentation à laquelle j’ai assisté, une petite fille s’est jetée dans les bras d’Armelle Dousset à la fin, en plein salut. C’était un bel instant. Les grands aussi passent un vrai bon moment de théâtre. Adulte, on ne peut s’empêcher de penser à ces sons, ces phrases, accroches et répliques qu’on a nous-même entendus enfant et qui sont encore là, dans nos têtes – du générique de Jeanne et Serge, par exemple et à titre personnel, aux douces mélopées du Minitel (ah, le Minitel)…

L’Encyclopédie de la parole, c’est aussi Suite n°1 A.B.C. qui donnait au spectateur la possibilité de s’imaginer ce que pourrait être, en quelque sorte, le « début de la parole », les prémisses, le commencement (quel qu’il soit) du fait-même de parler. L’interprétation du spectacle était chorale. On se remémore aussi Parlement, un solo déjà très fort, cette fois assuré par Emmanuelle Lafon. Tous les spectacles, toutes les propositions de l’Encyclopédie de la Parole s’inscrivent dans une continuité de réflexion, de pensée, avec toutefois dans le ton et dans le propos, à chaque fois, quelque chose d’unique.

blablabla donne à réfléchir : quel est l’impact des sons, des mots, en somme de l’univers de bruits dans lequel évolue « toute personne qui vit son enfance en 2017 » ; la question est amenée subtilement, elle intrigue l’adulte, elle ravive des choses en soi puis fait entendre le monde autrement, autour de ses propres enfants.

Allez voir blablabla : la pièce est programmée dans dans le cadre de l’excellent Festival d’Automne. Vous pouvez vous rendre au Paris Villette avec vos petits à vous, vos nièces et neveux, des enfants d’amis ou avec vos élèves mais ce n’est franchement pas une obligation : c’est vraiment un spectacle tout tout tout public.

Cliquez ici.