Aujourd’hui Mathilde a 10 ans mais laissez-moi retourner dans un passé pas très loin! Petite histoire de honte avec ma « floune » qui avait 3 ans à l’époque.
La scène se joue au cours de danse de ma fille. Un supposé banal samedi matin comme tant de samedis matin. Cette fois, c’est le jour J, celui du fameux spectacle de fin de session. Un spectacle sur fond de Shakira et sa chanson à saveur de Coupe du Monde, Waka Waka!
Avant même que le dernier cours ne débute, un petit danseur accroche ses souliers de danse! Il est collé sur sa mère, comme si sa mère était le remède ultime contre la peur. Car la peur était au rendez-vous pour certains enfants ce matin-là. Un intimidant spectacle devant ses parents, qu’on a pratiqué pendant huit semaines! Le petit danseur, qui n’a jamais vraiment été un danseur pour vous dire la vérité, a quitté avant le cours avec sa mère sous le bras. Ma blonde, ma belle-sœur Sandra et moi assistons à cette scène « live in concert ». Comme je n’ai jamais appris à tourner sept fois ma langue avant de parler, je déclare haut et fort:
(Moi, le père au-dessus de ses affaires) Bah, si jamais Mathilde décidait de quitter le cours, j’aurais la même réaction que les parents de ce petit danseur qui n’avait rien de Fred Astaire, je n’en ferais pas un fromage. Rien là, on vit dans un pays libre et ma fille aussi! (Ici, le père au-dessus de ses affaires se ment à lui-même et il croit ses menteries.)
Ma fille pratique sa chorégraphie sous la supervision du professeur Valérie. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, je pense même secrètement à inscrire ma fille à l’émission « So You Think You Can Dance? ». Je la vois déjà sur Broadway redéfinir le mot danse!
-(Voix d’annonceur de Broadway) And now, from St-Jérôme Québec, here she is the marvellous Mathilde! (Dans ma tête, en background, vous pouvez entendre une foule hystérique applaudir ma petite fille.) La moitié du cours est terminée, et le père que je suis va commencer à s’ennuyer de sa propre mère… Si elle était là, il irait sûrement se coller sur elle pour affronter la peur. Car quand on se colle sur ma mère, la peur s’évapore… c’est connu!
Le spectacle commence. Mon « kodak » est prêt pour la fabrication d’un petit vidéo mignon à saveur de fierté. Les parents applaudissent comme s’ils avaient les Beatles devant eux! Ma fille, au premier son de « Waka Waka », se dirige vers un coin de la salle pour se mettre en position du fœtus.
Elle est là, seule au monde devant ses parents. Elle est gênée, son visage témoigne de sa honte! Moi, je suis là devant elle, assis en indien, et on dirait que ma petite fille est à l’autre bout du monde. J’ai honte aussi, je n’ose regarder les autres parents! En plus, la jalousie m’envahit quand je regarde le p’tit pas vite du cours faire toute la chorégraphie avec son p’tit sourire d’innocent dans sa face de p’tit pas vite! Je me répète 100 fois dans ma tête : ma fille est en fœtus, ma fille est en fœtus… Comme un mantra, je me répète cette phrase et ça devient comme une mauvaise blague de Pète et Répète!
Le regard des autres parents est évocateur, ils sont gênés de nous regarder. À partir de maintenant, « Waka Waka », la chanson de la Coupe du monde de soccer a pris une toute autre signification. Maudit soccer! Pendant que ma fille fait le bacon à terre, ma charmante épouse est en train de s’auto-ventiler, seule à coté de moi. Tout le monde dans cette famille est seul dans ses culottes en ce moment…
un beau moment comme on dit! Je regarde ma fille et je lui tends mes bras de papa émotif qui veut sauver sa fille de la honte et toute la prendre sur ses épaules de papa qui connaît le mot honte et ses variantes! Elle se lève, se dirige vers moi mais au dernier moment elle évite mes bras et embarque sur sa mère! Honte, double honte devant tout le monde. Je descends mes bras qui pour l’instant pèsent une tonne! Je commence mon propre spectacle, qui sera donné en une seule représentation, pour ma fille seulement. (La chanceuse!) Je boude.
Je suis un boudeur de grand calibre. Le genre à fabriquer du boudin tellement il peut bouder longtemps! Après le cours, il y aura un dîner au resto pour récompenser la charmante danseuse… pour moi la réponse est N-O-N! Fin du supplice, le spectacle est fini. Je boude. Ma fille ajoute la cerise sur le sundae alors que le professeur distribue des certificats de réussite après le cours. Qui croyez-vous qui est la première dans la file pour recevoir son diplôme? Ma charmante fille avec les deux bras dans les airs!
Mon boudin, aujourd’hui, sera d’une qualité exceptionnelle. Je « paque les p’tits » dans le silence et la rage. Dans l’auto, j’écoute le FM futile en silence. J’écoute un insipide animateur de FM offrir un ixième t-shirt. Le chemin de Saint-Hippolyte à chez nous me paraît une éternité. Finalement, nous allons manger au resto et, aussitôt arrivés sur les lieux, ma fille me demande d’aller aux toilettes.
Chemin faisant vers les toilettes, elle me montre un pas de danse qu’elle a appris aujourd’hui, comme si l’échec du spectacle n’avait pas tant d’importance que ça dans sa tête de p’tite fille de 3 ans! Je la félicite pour le pas de danse et j’arrête de bouder sur le champ. Je m’auto suggère de passer à autre chose car ma fille, du haut de ses 3 ans, l’a fait! (Être un père, c’est parfois ravaler!)
Ma fille grandit car elle apprend un sentiment que même les grands ont de la misère à gérer, celui de la gêne! Je savais qu’un jour j’aurais honte de mes enfants, mais pas si tôt et pas dans un cours anodin de danse machin chouette!
*Conseil de pro à ma fille* Si un jour tu as des enfants et que l’un deux te fait terriblement honte, ne le boude pas comme ton père a fait avec toi. Accueille-le avec tout l’amour qu’un parent possède. Car ton père, lui, n’a pas réussi à te comprendre dans cette première. Je vais me reprendre quand on va revivre ce sentiment, sois en assurée, mais dans notre petite histoire personnelle, j’ai raté la première!
Ma fille, j’ai surtout eu honte d’avoir honte de toi! Je t’aime avec tout l’amour que je possède. Je t’aime malgré ma propre honte.