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# 273/313 - A Surgères surgit La serpe

Publié le 15 novembre 2017 par Les Alluvions.com
"J'approche de la Dordogne, je suis moins confiant. Je suis un marginal parisien, dans mon genre. Environ vingt-cinq kilomètres après Vierzon, je passe le panneau qui indique la sortie 10 : Vatan. C'est aimable."

Philippe Jaenada, La serpe, Julliard, 2017, p. 85.

27 /09 - Rémi Schulz publie  un nouvel article sur Quaternité : Ana mords-moi à mort. A  l'intérieur de celui-ci, un lien renvoie à un article antérieur de mars 2009 : Richelieu, Indre-et-Loire. Un détail me retient particulièrement, et je poste alors le même jour un commentaire sur le premier article :
"Bonsoir Rémi,
J'ai lu l'article mis en lien du 12 mars 2009 consacré à Fred Vargas, et je me suis arrêté sur l'évocation de la tuerie du château d'Escoire, en Dordogne. Il se trouve que l'histoire est racontée par Maître Maurice Garçon, dans son Journal 1939-1945, que j'ai cité plusieurs fois ces temps derniers (L'avocat est aussi l'auteur d'un livre sur le Diable). Georges Girard, l'homme assassiné ainsi que sa sœur et leur domestique, était un ami fidèle de Garçon. Il était par ailleurs archiviste des Affaires étrangères et écrivait des livres d'histoire "excellents". Le 31 octobre, Garçon indique qu'Henri, le fils, a été inculpé, ses explications ayant présenté de graves contradictions. "C'est horrible, écrit Garçon. J'aimais mieux l'hypothèse d'un crime de cupidité paysanne. Tout de même, quand on pense que Girard était attiré par les récits ténébreux de drames judiciaires anciens. Quel retour du sort et quel ironie !"
L'affaire ne s'arrête pas là. C'est Maurice Garçon lui-même qui défend Henri Girard, et le 3 juin 43, il revient chez lui après dix jours de procès intense à Périgueux, où il avait contre lui l'opinion publique tout entière.Il parvient à faire acquitter le jeune homme. Son récit est assez savoureux :
"La vérité est que la foule a besoin de justice. Si un crime a été commis, il faut qu'un coupable soit découvert et puni. D'instinct, la masse a un besoin d'équilibre : la morale outragée demande un châtiment. Si j'avais seulement sorti mon client d'affaire, on eût été content pour lui mais déçu. Comprenant cette déception, j'ai fini par haranguer la foule. Après avoir démontré qu'il fallait acquitter Henri Girard, j'ai dit qu'on ne devrait pas s'arrêter là, qu'il fallait découvrir le coupable, que je m'emploierais à le chercher et que je ferais l'impossible pour le découvrir. Lorsque j'ai terminé en disant :"Le procès commence...", j'ai répondu au désir secret de chacun. Ce fut un soulagement, la justice ne serait pas déçue et la foule qui, trois jours avant, m'eût écharpé, m'a fait taire sous les acclamations.
La psychologie des foules est au fond assez simple.
"
Je me souviens fort bien qu'après avoir rédigé ce commentaire, j'avais surpris sur le bandeau latéral de ma page Facebook une publicité pour le roman de Philippe Jaenada, La serpe. Comme je savais que le triple meurtre avait été commis justement avec une serpe, j'ai trouvé la coïncidence intéressante. Je ne me doutais absolument pas que le roman de Jaenada était précisément consacré à ce Henri Girard, devenu ensuite l'écrivain George Arnaud (George, prénom de son père, Arnaud, nom de jeune fille de sa mère).
# 273/313 - A Surgères surgit La serpe
Bon, ceci dit, je ne l'ai pas ignoré longtemps : le 15 octobre, Rémi postait à son tour le commentaire  suivant :  
"La tuerie d'Escoire était au centre d'une série de plus-que-coïncidences en 2006, hélas SFR a supprimé mes pages perso l'an dernier, et je n'ai pas encore tout remis en ligne. L'actu s'en mêle, car une panne de web m'a conduit à écouter France-Cul à midi 45, et à y entendre Philippe Jaenada qui vient de sortir une bio de Girard, La serpe, où il défend son innocence."
Tout ceci ne concernant pas directement  les thèmes que je traitais alors, je ne fais pas plus de cas que cela de ces informations. Quinze jours plus tard, me voici donc à Surgères, en Charente-Maritime, où l'on me vante une petite librairie indépendante, la librairie des Thés (Pascal Dessaint, qui est un habitué du Chapitre Nature au Blanc, y a fait un passage récent). Comme j'aime bien acheter un livre dans chaque nouvelle ville découverte, je m'y rends avant de repartir. Mais là, tout de suite, malgré une offre de qualité, rien ne me fait vraiment signe. Pas de coup de coeur. Je tournicote comme une âme en peine, j'ai besoin de cette petite émotion de curiosité pour avoir le plaisir de l'achat, j'ai failli l'avoir en voyant le gros volume de L'infini comédie de David Foster Wallace, mais soudain, revirement, gros volume pour gros volume, allons-y pour La serpe. Alors que je ne songeais nullement jusqu'à cet instant à le lire, il m'est devenu d'un seul coup nécessaire. Un éclair neuronal, une épiphanie saintongeaise.
Pour autant, je ne me précipite pas dans la lecture. Discipliné, je termine d'abord le livre de Bruno Vercier sur l'enfance de Loti. J'attends quatre jours pour me plonger dans la prose jaenadesque. Et juste avant, je regarde sur Arte le documentaire sur Verdun.

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Verdun, ils ne passeront pas. Documentaire de Serpe de Samgigny, 2014

J'ai tellement mangé du poilu depuis la première représentation d’Été 1915, en 2006 que je n'étais pas bien sûr de pouvoir encore en avaler une rasade. Mais je me suis fait prendre, il me restait un fond d'appétit : pas de regret, ce documentaire était fort bien réalisé. J'ai encore appris des choses (ça n'en finira jamais).
Je l'ai dit, c'est aussitôt après que j'empoigne La serpe. Philippe Jaenada sortant du périphérique dans sa Mériva de location avec un voyant inconnu qui s'allume, me voici aussitôt embarqué dans un tourbillon tour à tour grave et fantaisiste. Et puis, page 25, ce sont les voyants de la génératrice à coïncidences qui s'allument : " Il [George Girard] s'est illustré aussi vaillamment que loyalement durant la parenthèse brutale et sanglante de la guerre qui a pulvérisé son petit frère Riquet, il en est revenu avec des breloques, dont une croix de guerre, des étoiles et quelques compliments ("A toujours fait preuve de courage et de dévouement, notamment devant Verdun)." Et rebelote page 28 : "Georges a répondu tristement à Valentine, puis Valentine a répondu à Georges et Georges Girard a répondu à Valentine Arnaud, pendant des années. Ils se sont mariés le 3 juin 1916 à Montpellier, profitant de quelques jours accordés à Georges par son régiment d'infanterie, le 78è, qui était en repos après la boucherie de Louvemont, au nord de Verdun." Et si ça ne vous suffit pas, re-rebelote page 59 : "(Les premiers temps, en bon ancien de la Grande Guerre, il ne peut malgré tout réprimer une certaine affection pour Pétain, son chef à Verdun : "Un homme de cœur, bouleversé très sincèrement." Ça ne durera pas.)"
Hier (mercredi 8 novembre), au courrier électronique, Télérama, qui veille sur mes soirées, me propose Clouzot et Jaenada (j'ai déjà évoqué récemment ces apparentements spatiaux qui sont comme des coïncidences topologiques). Il faut savoir bien sûr que Clouzot est le réalisateur du Salaire de la peur, adaptation du livre de George Arnaud (Jaenada est plutôt sévère avec Clouzot, qui n'aurait cessé de vouloir mettre l'écrivain sur la touche ).
# 273/313 - A Surgères surgit La serpe
Et puis, cerise sur le gâteau, voici qu'aujourd'hui je reçois une invitation à la librairie Arcanes pour le passage de devinez qui :
# 273/313 - A Surgères surgit La serpe Vous savez où je serai vendredi prochain...

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