Une végétation tellement dépaysante, des odeurs qui me sont inconnues, des chants d'oiseaux que je n'avais jamais entendus, je ne pensais vraiment pas me retrouver un jour dans ce site d'Angkor que j'ai souvent admiré dans des livres ou dans des films documentaires...
Je devine qui je vais rencontrer pour ce nouveau RDVancestral, cela ne peut être qu' Auguste Silice. Nous sommes en 1926.
Les lettres envoyées à sa famille m'ont permis de découvrir en partie sa vie à Phnom Penh, mais il reste quelques zones d'ombres...
Je l'aperçois après avoir passé cette porte d'enceinte d'Angkor Vat, il dirige une équipe de mouleurs qui duplique quelques belles statues du temple. Il est tel que je l'avais imaginé, il est assez grand, bien portant et il cache sa calvitie familiale avec un chapeau clair. Il a l'autorité qui sied à un Directeur d'école d'art et d'un colon auprès des autochtones. Il s'approche de moi, curieux de rencontrer une européenne au milieu de ces ruines.
Je me présente, et il a bien du mal à me croire, j'arrive cependant à le convaincre de mon identité en lui parlant de son cher oncle Léopold et de sa cousine Germaine ma grand-mère. Il est très étonné mais finalement ravi d'avoir des nouvelles de la France. Sans lui dévoiler tout ce que je sais de son avenir, une question me brûle les lèvres...
" Vous parlez dans une de vos lettres de juillet 1919 à Léopold de votre mariage célébré en 1916 et de la naissance de votre fils en 1917 et ensuite vous ne parlez plus du tout de votre famille. Où sont -ils? "
Ce n'était visiblement pas la question à poser à Auguste qui se ferme d'un seul coup...
Je change de sujet en lui parlant de l'œuvre de Léopold que j'ai sauvegardée et parmi lesquelles j'ai retrouvé ses missives, je lui parle de la correspondance qu'il a eut avec Victor Prouvé dont le petit fils a été mon professeur aux Beaux-Arts... Tous ces éléments, lui parlent et son regard s'adoucit.
" Je vais te raconter puisque tu sembles t'intéresser à moi "
Je n'ose plus dire un mot pour éviter qu'il ne se referme...
" J'ai fait la connaissance de Marie Fernande Gangne à Paris lors de permissions en pleine guerre, elle était bien jolie et avait 10 ans de moins que moi. Nous nous plaisions et nous nous sommes mariés assez vite le 20 avril 1916 et notre couple s'est construit sur de la correspondance "
Je le découvre nostalgique et un peu triste, sans doute aux souvenirs de ces parenthèses de tendresse au milieu d'une guerre terrible. Il poursuit:
" nous nous sommes finalement bien peu connus, et lorsqu'elle m'a annoncé qu'elle était enceinte, je n'ai pensé qu'à la joie d'être père dans une période si noire, sans vraiment calculer la date de naissance de ce petit garçon "
Je ne dit plus un mot de peur de le contrarier, je sens bien qu'il me dévoile un pan de sa vie bien douloureux
" C'est à la fin de la guerre alors que j'avais dû retourner à Marseille pour retourner au Dépôt des Isolés Coloniaux et repartir en Indochine que j'ai reçu une lettre de Marie Fernande m'annonçant que l'enfant n'était pas de moi, même s'il a gardé mon nom, et qu'elle demandait le divorce "
Je le laisse faire une pause...
" Après cette guerre ou j'avais vu tant de morts, cette lettre m'a anéanti et je n'en ai plus parlé. Mon Oncle et ma tante ont dû le savoir car ils ne m'ont jamais posé de question. Le divorce a eut lieu l'année dernière le 10 janvier 1925. J'ai décidé maintenant de me consacrer à ce métier de directeur des Beaux-arts de Phnom Penh. Ce travail me passionne et c'est devenu toute ma vie "
Je comprends mieux sa décision de rester dans ce pays où il finira sa vie.
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Cet article a été rédigé dans le cadre du #RDVAncestral, un projet d'écriture, ouvert à tous, qui mêle littérature et généalogie. En savoir plus.