Xavier Boissel, Avant l'aube, 10/18, 2017, p. 30.
Dans # 246, Du Quai de l'Horloge au Vert-Galant, daté du 14 octobre, j'avais pointé les ressemblances entre certains éléments de Temps glaciaires de Fred Vargas et quelques détails de ma propre Fiction-1967. Par exemple, j'avais montré la proximité phonétique entre le commissaire Bourlin, personnage secondaire mais cité sur la quatrième de couverture, et mon propre commissaire Bougrin.A la suite de cet article, Rémi Schulz laissait le commentaire suivant :
"Ces coïncidences flicardes surviennent alors que vient de paraître Avant l'aube de Xavier Boissel, dont le héros est l'inspecteur Philippe Marlin, homonyme d'un ami, par ailleurs assez connu pour que ce ne soit peut-être pas un hasard, mais d'autres détails du roman me sont plus intimement significatifs, comme le quartier des Batignolles de mon enfance où vit Marlin. Marlin enquête en 66-67 sur la mort de son ami le commissaire Baynac, "accidentellement" noyé dans un petit lac, mais le SAC est dans l'affaire...Rémi avait comme souvent attisé ma curiosité, je commandai aussitôt les deux ouvrages en question. Une fois parvenus à bon port, je commençai par le livre de Xavier Boissel (peut-être parce que j'avais vu en passant qu'il avait participé à un livre collectif d'hommage à W.G. Sebald - Face à Sebald, 2011, aux éditions Inculte - ce qui m'apparut comme un très bon signe).
Ton inspecteur Lagneau me rappelle le héros du roman le plus classique de Pouy, RN 86, le prof de latin Léonard Laigneau. Le pandore local s'y nomme Boulard.
Bref la conjugaison de Bougrin-Bourlin-Boulard, Marlin-Bourlin, de la noyade assistée par le SAC, tout ça évoque l'affaire Robert Boulin..."
1967 n'est pas 1979, mais le SAC (Service d'Action Civique), cette officine gaullienne parallèle fortement soupçonnée d'être à la manoeuvre dans l'affaire Boulin, est présente dans l'intrigue du livre de Xavier Boissel où, comme l'a souligné Rémi, un commissaire, Jean Baynac, est retrouvé lui aussi noyé dans un étang (dans le Morvan, cette fois, et non à Rambouillet).
Une curiosité : le mari d'Audrey Mésange, la femme assassinée, est le chef d'entreprise Maurice Flanquart, membre du SAC depuis 1961. Une fiche des RG retrouvée par Philippe Marlin mentionne qu'il est né à La Châtre dans l'Indre, le 19 août 1923.Marlin est un ancien résistant. En relisant le livre en diagonale pour les besoins de ce billet, je suis frappé par ces lignes empreintes d'une poésie grave et rugueuse, qui me rappellent les évocations récentes de René Pècherat.
"Je me suis revu vingt-trois ans plus tôt, dormant dans les bruyères et les fougères, sous des tentes faites de bouts de parachute. J'ai revu les nuits où tous - tireurs, pourvoyeurs, voltigeurs - nous marchions en colonne sur les sentiers. J'ai repensé aux attaques de convois et aux sabotages de voies ferrées et aux parachutages, à ces nuits oubliées, ensevelies sous les cérémonials, à ces nuits si lointaines et si proches et qui excèdent les noms qu'on prétend leur nommer." (p . 294)
"En vérité, à Baynac, je n'ai pas tout dit de ma guerre. Je songe au maquis, au peu de jour et au grand cercle d'ombre qui m'avait happé pendant cette période. Les parachutages d'armes, l'instruction clandestine des volontaires puis, pendant les nuits d'encre qui fermaient le jour comme les paupières d'un mort, le balisage des terrains pour l'atterrissage des avions Lysander. Le partage des périls, la fraternité facile des armes, mais aussi celle des arbres et des animaux. Le toucher des écorces, le coeur des buissons les plus serrés, l'herbe noire et les ruminants sauvages dans les taillis. Et puis le rappel des oiseaux, au petit jour. Inutile de s'épancher là-dessus.Bon, il me restait l'autre livre à lire, RN 86. Et on va voir que Rémi ne l'a pas cité en vain._________________*La chronique de Charybde renvoyait aussi à la bande dessinée d’Étienne Davodeau et Benoît Collombat, parue en octobre 2015 chez Futuropolis. Je ne la connais pas mais vais essayer de me la procurer. Par ailleurs, je vois, aujourd'hui 20 novembre, (alors que j'ai rédigé ce billet mardi dernier 14 novembre) que Jérôme Leroy reproduit sur son blog l'article qu'il a consacré à Avant l'aube dans Causeur. Nous sommes décidément en phase avec l'écrivain de Jugan (mais lui ne le sait pas, et je n'ai aucune intention de lui dire).
Une vie qui s'était éprouvée en chaque point de mon être."**p. 22)