# 280/313 - Quelle malchance ! s'écria Claude

Publié le 23 novembre 2017 par Les Alluvions.com
17/11 - Arcanes, 19 h. Il y a foule pour assister à la rencontre avec Philippe Jaenada. Comme d'habitude, écrasante majorité féminine. Les hommes ne lisent donc pas, ou plus ? S'en foutent ? Pourtant, l'histoire au centre du livre de Jaenada n'a rien de spécifiquement féminin, bien au contraire, c'est bien plutôt la violence masculine qui s'y laisse voir, à bien des étages. Et l'auteur lui-même ? Pas efféminé, c'est sûr, air de bon gros ours, pas prétentieux, beaucoup d'humour. Il va dédicacer ensuite à tour de bras.
Je voudrais juste ici, non pas revenir sur l'affaire, mais souligner une coïncidence que je n'ai pas relevée pour l'instant, mais que Jaenada a raconté.  Sans s'appesantir, sans théoriser, mais pour la curiosité de la chose. Car enfin, elle a tout de même donné les deux extrémités du livre.
"Quelle malchance ! s'écria Claude."
Cette phrase est la première du livre. L'incipit, en termes savants. C'est aussi l'incipit du Club des Cinq en roulotte, d'Enid Blyton. Paru en 1952 sous le titre : Five have a wonderful timeet traduit en français en 1960. Il se trouve que la veille de son départ pour Périgueux, Jaenada dînait dans un restau "genre bobo" avec sa femme et son fils. Près de leur table, une étagère présentait une trentaine de livres de la Bibliothèque Rose, et l'auteur en prit un dans la rangée, Le Club des Cinq en roulotte donc : "Enide Bliton, ça remonte, écrit-il. Le hasard, une aventure en roulotte, la veille de mon voyage dans le temps (...). A table, tous les trois, entre "l'oeuf mollet de l'ami Francis" et le crousti-fondant de cochon de lait de Mayenne", nous avons espéré, brièvement, en souriant, que ce n'était pas un mauvais présage. Superstition. Ne sois pas bête. De toute façon, je n'ai pas lu la suite, mais j'imagine qu'il n'y avait simplement plus de réchaud à gaz en stock à la quincaillerie de M. André, ou que Claude n'arrivait pas à remettre la main sur le sac de couchage qu'elle (car c'est une fille - elle s'appelle Claudine mais préfère Claude) était pourtant certaine d'avoir rangé l'été dernier dans le grenier."

Philippe Jaenada n'a vraiment pas lu plus loin que cette première phrase (là, j'ai un peu de peine à le croire), car la solution est donnée dans la suivante : Claude a un rhume (mais c'est moins drôle que le réchaud à gaz).

De fait, le lendemain, à peine sur le périphérique, un voyant inconnu s'allume au tableau de bord de la Mériva de location : "c'est autre chose qu'un sac de couchage égaré." L'incident se révélera sans conséquence, mais aura permis une entrée efficace dans la narration.

Philippe Jaenada racontera ensuite qu'il a commandé ce livre qui lui avait donné le début du sien - sur cette terrible affaire Henri Girard -, et qu'en terminant sa lecture (là, il avoue qu'il s'était un peu forcé, pas très passionnante, la Bliton, en plus d'avoir été une mère cauchemar), il avait avalé sa salive de travers et failli s'étrangler dans son lit (ce sont ses propres mots dans le livre) :

"Les quatre enfants ont eu de gros soucis avec des sales types qui avaient enfermé un savant dans la tour d'un vieux château en ruine. Le père de Claude est venu leur porter secours et libérer le savant, aidé par des saltimbanques stationnés dans le coin. A la fin, il doit retourner à Paris, eux restent encore un peu, il monte dans l'autocar, qui démarre. Les enfants sont sur le bord (moi aussi). Annie, Mick et François crient - c'est la dernière phrase du livre : "Au revoir, oncle Henri, au revoir !"
Dès lors, il s'était juré de faire de cette dernière phrase la dernière aussi de La serpe.