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« Chanson d’hiver », poésie irlandaise (Xe siècle)

Publié le 02 décembre 2017 par Angèle Paoli
« Poésie d’un jour

CHANSON D’HIVER
(Xe siècle)

I
Froid sur nous, froid sur tout,
froid sur la vaste plaine de Lurga ;
plus haute que les montagnes, la neige ;
plus d’herbe, plus rien pour les daims.

II
Froid jusqu’à la fin du monde,
sur tous, partout, la tempête et ses hordes :
à chaque sillon du versant, sa rivière ;
à chaque gué, son étang, son trop-plein.

III
À chaque lac, sa haute-mer, ses marées ;
à chaque étang son lac, son lac, son trop-plein ;
les chevaux ne passent plus le gué de Ross,
et encore moins les hommes à pied.

IV
Les poissons d’Irlande errent de ci de là,
sur chaque grève les vagues, leur obstination ;
sur la terre, où sont les demeures humaines ?
Les cloches se sont tues, la grue bavarde encore.

V
Dans leur tanière, ni repos ni sommeil
pour les loups du bois profond de Cúan ;
roitelet, petit oiseau des pentes de Lon,
seul le froid dans ton nid, nul abri, seul l’effroi.

VI
Du vent les haches, les dagues, la froide glace,
pauvres oiseaux en déroute, leur cœur tremble ;
merle, oiseau du bois de Cúan, que cherches-tu ?
Le vent, c’est le monde ; pas d’abri, nul répit.

VIII
Très vieil aigle de Gleann Ruadh,
tu voles contre le vent amer,
la glace dans ton bec, noir désespoir,
les ailes dans la glace, grande fatigue.

VIX
(…)
Et c’est pourquoi je crie :
froid sur tout, froid sur nous.

Moi, faucon sur la falaise, Poésie irlandaise ancienne, Translation Jean-Yves Bériou, La Nouvelle Escampette éditions, Collection Poésie, 2017, pp. 70-71.
Moi  faucon sous la falaise

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Note de l’éditeur : « Jean-Yves Bériou, poète que son œuvre rattache au Surréalisme, arpente le Connemara depuis près de quarante ans. Dans la poésie ancienne de l’Irlande, il a découvert une puissance imaginaire et une énergie vitale fascinantes. Il nous offre ici une translation originale de ces textes magnifiques (VIe-XIIe siècles), dont les auteurs anonymes semblent être la mer, le vent, les rapaces, les matins radieux, la main sans miséricorde du temps. »


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