La guerre souterraine 2

Publié le 07 décembre 2017 par Observatoiredumensonge

Renseignement contre libertés! Attention danger. Chapitre 2

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Observatoire du MENSONGE

Par Daniel Desurvire

Chapitre 2

Quand le renseignement d'État, au motif de terrorisme, explose le secret de la vie privée des citoyens, faisant fi de la corruption financière qui sévit dans ses rangs.

Pour comprendre la logique de ce mégamonde du libre échange et des gesticulations financières qui consistent à placer son argent ailleurs que dans le pays où l'on réside, il suffit de se poser la question : pourquoi faire ? Et la réponse fuse tant par son évidence que par la réalité qui induit la fuite des capitaux ? Cette maïeutique nous amène à se focaliser sur la tautologie de deux pistes en opposition de principe. L'une d'elles suppose le désir d'investir à l'étranger pour faire fructifier son patrimoine et accessoirement créer des emplois. Dans ce même cheminement, d'aucuns s'aventurent à acheter des produits boursiers dans une ou plusieurs sociétés industrielles transnationales, voire entrent dans le noyau dur de spéculateurs où moins de 1 pour mille des initiés ne se font jamais prendre. Sauf lorsque ces derniers trichent avec le système qui les a intégré ou trahissent leurs mentors et donateurs, ces derniers en représailles livrent ces premiers en pâture à la presse puis à la justice de leur pays. Mais ce peut être aussi la conséquence d'un mauvais divorce entre époux ou autre conflit d'intérêt, et un argument pour invalider la prétendue légalité* de ces caches financières ; lesquelles n'en seraient pas si leurs porteurs avaient réellement la conscience tranquille.
L'autre piste susvisée consiste à créer sa propre structure financière à l'étranger, dont généralement le dirigeant porte un autre nom que l'initiateur par le biais d'une société faîtière sans réalité juridique pour mieux brouiller les cartes, sinon d'ouvrir un compte bancaire numéroté sur un territoire exotique (secret bancaire, absence de comptabilité et d'imposition) ; cela dans le seul but d'abriter son capital contre les saignées fiscales et parafiscales. Je n'évoque pas ici un État de droit ordinaire, mais un petit bout de territoire aux confins d'un océan, un archipel qui n'appartient qu'à une élite fortunée, là où les banques et sociétés financières détiennent des actifs colossaux anonymes, égaux voire supérieurs au montant du PIB annuel d'une grande nation industrialisée. Voilà comment fonctionne désormais la nouvelle mafia non plus avec des sulfateuses, mais avec des codes, des hackers et des brokers ou cambistes.
Par-delà ces bastions inexpugnables qui échappent à la justice internationale et dont l'indice d'opacité plafonne, il existe aussi des zones franches où bat le pavillon de complaisance des États voisins, et où de surcroît s'établissent des accords qui font illusion, mais qui s'apparentent plutôt à des mascarades plénipotentiaires pour laisser croire aux vrais contribuables qu'il existe des avancées de normalisation contre la fraude fiscale via la fuite des capitaux désincorporés du virtuel numérique. Pour esquiver les tactiques de disquisition des organes de traitement du renseignement et d'action judiciaire contre les circuits financiers occultes, ces territoires historiques sont parés des épithètes héraldiques de Principauté ou de Grand-Duché, sinon de l'indulgence plénipotentiaire consacrée aux baillage de Jersey, aux no man's land de protectorats ou des Terres australes et antarctiques françaises, voire de comté cérémonial comme la City of London.
Outre cette bienveillance des politiques qui savent filtrer les déclarations de revenus de leurs concitoyens tout en se préservant pour eux-mêmes quelques issues entrebâillées afin de s'octroyer des privilèges exorbitants, les avocats d'affaires proposent à leurs clients de procéder à un bilan patrimonial expatriation pour optimiser leurs avoirs et organiser leur succession à travers des montages juridico-financiers. On comprendra que l'étude de ces gestionnaires de fonds, qui consiste à examiner les placements exogènes les moins exposés aux boulimies fiscales, n'a d'autre dessein que d'organiser la fuite des capitaux par le biais de bureaux d'études ad hoc dont les activités consistent à contourner le droit souverain de leurs mandants, en usant de stratagèmes informatiques et juridiques appropriés pour spolier l'État du ressortissant indélicat.
Nonobstant les allégations de probité qu'opposent les cabinets d'affaires pour tenter de justifier de la loyauté civique de leur client, et par là blanchir leur argent contre l'équivoque d'une déliquescence, là réside la véritable raison, sachant bien que dans ces paradis financiers, cet antimonde ne signe aucune convention ni ne communique de fichiers pour délivrer des informations avec le reste de la planète. De sorte qu'en créant des sociétés offshore, la seule finalité de leurs associés réside dans la clandestinité d'investissements mobiliers, à l'abri du régime fiscal où résident physiquement les titulaires. Reste à comprendre pourquoi les banques aux États-Unis, en Europe, en Australie, en Asie et ailleurs créent pour leurs gros clients des cartels extraterritoriaux pour faire fonctionner des comptes en-dehors du vaisseau amiral de leurs structures bancaires et financières ? Tout simplement pour ne pas perdre ou récupérer leurs clients par l'intermédiaire de paradis fiscaux hors de leur juridiction nationale. Cette transaction clandestine s'achemine vers des commissionnements qui bénéficient d'abord aux banques (avec une marge de 10 % à 15 % du capital blanchi), sachant que le produit des exonérations fiscales sur ces placements opaques profite plus largement à leur titulaire.
Par un passé encore peu lointain, de l'époque victorienne au premier choc pétrolier, le capital, outre le cadre de vie fastueux qu'il offre à son propriétaire, servait principalement à financer l'industrie, le commerce puis plus tard le social, autrement dit l'outil de travail. Aujourd'hui, trop souvent l'argent va vers l'argent et ne profite plus à l'économie productive, pas même en bourse car toujours au détriment du petit porteur comparable au joueur de casino sur un bandit-manchot. Or, ceux qui jouent toujours gagnant sont les gros détenteurs, les noyaux durs seuls vrais initiés et aux viatiques de business qui gravitent autour ; ainsi les courtiers qui spéculent pour le compte de la haute finance. Il ne s'agit pas ici de battre pavillon pour les nostalgiques de la lutte des classes, mais de constater que les élus politiques qui font voter les lois de finances, puis encore moult textes qui créent sans cesse de nouveaux impôts, s'arrogent le droit de détourner une part de leurs propres revenus pour échapper au racket qu'ils exercent depuis la rue de Bercy envers leurs concitoyens.
Ceux-là ne sont pas au service de l'État, mais se font élire afin de s'enraciner dans la coterie des combines, autant dire pour ne pas se faire étrangler par un colbertisme qui asphyxie la classe moyenne laborieuse qui paie pour tout le monde, autant dire le grand écart entre la moitié des citoyens exonérés et les grandes fortunes qui se donnent la capacité d'échapper aux prélèvements de l'État. En l'occurrence, la politique n'est pas la panacée de la démocratie, car trop souvent elle instrumente la base arrière de la gouvernance des banques, des consortiums fiduciaires, des cartels ou des holdings ; un pouvoir prohibitif, éminence grise d'une oligarchie qui fabrique ses propres guides idéo-syncrétiques, de futurs successeurs aux grands corps d'État dupliqués depuis les amphithéâtres des grandes écoles, de l'ÉNA à Sciences po en passant par CELSA ou l'EHESS.

À suivre...

Daniel Desurvire

Ancien directeur du Centre d'Étude juridique, économique et politique de Paris (CEJEP), correspondant de presse juridique et judiciaire.

♥️ Retrouvez le chapitre 1 en cliquant ICI

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