"l'acacia tournoie
comme une chevelure
tresse dénouée de mémoire
illisible écheveau fatigué
méduse (...)"
Antoine Emaz, Vent, voix, in De peu (Tarabuste)
Parfois l'Attracteur étrange s'absente, se tait, semble s'être retiré. Le monde ne donne plus signe, il n'est plus qu'un bloc opaque de réalité sourd à tous les appels. Si cela ne s'est guère ressenti au long de cette année 2017, c'est que parfois, pour rendre compte d'un bouquet de coïncidences, il faut plusieurs jours, voire plusieurs semaines. L'Attracteur n'est pas linéaire, il se replie puis soudain s'emballe, accélère, et délivre en une poignée de minutes une gerbe de correspondances stupéfiantes, que l'esprit a grand peine souvent à envisager dans toute son ampleur et sa diversité. C'est un moment dangereux car le délire n'est pas loin. Une position sociale fragile peut par exemple vous faire basculer : c'est, à mon sens, ce qui arrive à Nadja, que la pauvreté, la solitude finissent par conduire à l'asile d'où elle ne pourra plus s'extraire. André Breton a des mots très durs pour la psychiatrie de son temps : selon lui, "tous les internements sont arbitraires" et il n'hésite pas à dire que s'il était fou et interné, il profiterait d'une rémission que lui laisserait son délire "pour assassiner avec froideur, un de ceux, le médecin de préférence, qui me tomberaient sous la main. J'y gagnerais au moins de prendre place, comme les agités, dans un compartiment seul. On me ficherait peut-être la paix." Cependant il ne fit rien pour venir en aide à Nadja : "Le mépris qu'en général je porte à la psychiatrie, à ses pompes et à ses oeuvres, est tel que je n'ai pas encore osé m'enquérir de ce qu'il était advenu de Nadja." Cette défense est un peu hypocrite, pour ne pas dire plus ; c'est comme si son hostilité à la psychiatrie le dédouanait de prendre soin de celle qui subit seule son oppression. Il écrit ses lignes pendant l'été 27 au manoir d'Ango à Varengeville, il ne cherchera pas à la revoir, ni même à prendre simplement de ses nouvelles.
Juste après avoir rédigé le billet précédent sur Lena Nyman, je consulte donc mes mails et vois que j'ai reçu un message du groupe Facebook consacré au poète Antoine Emaz (plusieurs fois présent dans les Carnets de la Méduse).
16 : 44, c'était une belle heure pour un écho au 4/4, et j'appréciai que le titre du recueil comporte deux a comme dans la coïncidence des quatre sur le bandeau latéral. Mais le meilleur était à venir :
111 exemplaires, c'était une belle idée (bien digne d'éditions qui se disent Unes). Et Passants est une courte plaquette de 16 pages (4 x 4).
Quant au fameux bandeau latéral, il s'amusait encore à jouer avec les 4, le site Diacritik entrait dans la danse :