TES HAILLONS, BONHOMME...
t es haillons, bonhomme
ton chant de gorge, ton étouffoir
pendant que les grains naissent
là-bas, où le ciel mûrit ses hivers
que les averses giclent sur les plaines
où les troupeaux paissent les graminées -
tes vêtements de sable & d'argile friable, toi
tes sandales harassées, tes poches creuses
& ta faiblesse, demeurer - quand le ciel se fige,
quand ton ennui brasse ses nostalgies
que tu voyages encore à la rame de guingois
& et que les vents nés d'ailleurs s'en viennent trépasser
au coin de ton bureau d'idéologue du train-train de scribouillage
voyons,
les bêtes lentes plaquent leurs bouses avec plus d'à-propos
les ruminants défèquent entre les herbes des semences plus pertinentes
monseigneur le rapace déchire mieux les entrailles des antilopes
son compère le lion rote plus heureusement sa ripaille de boyaux
on rêve d'oripeaux trop nobles sur ce coin de table, on est gris de vins frelatés
on empeste du gosier, on se drape de frusques au rabais
frappe
ta monnaie de main moins lâche, s'il te plaît, coche ta flèche au mitan de la cible
où un tantinet de sang viendra perler autrement que pour la séduction des goules
un soupçon de cruauté vraie, mon cher
au diable ces striges, ces effraies de carnaval
tu es le masque, toi - patient cadavre, œil ouvert sur le mur clos
là derrière, la monnaie sonne clair, le sang rissole à plaisir, les babines chuintent
& là-bas oui, les pluies encore, espèces de déluges longs, avec les animaux
tout à leur industrie avec ces meurtres & ces digestions
imite ce festin, falsifie & tu deviendras vrai
Auxeméry, Lignes de failles in Failles/traces, Éditions Flammarion, Collection Poésie/Flammarion, 2017, pp. 92-93.