Je ne sais plus exactement ce que je cherchais mais soudain s'afficha (je n'aime pas beaucoup la manière intrusive de l'application mais ici, en l'occurrence, ce fut pain béni) une page de Mubi, la plateforme cinéma dont j'ai déjà beaucoup parlé ici. Que me vantaient-ils donc, les bougres ? Eh bien un film de Werner Herzog de 1999, Ennemis intimes.
Je ne tilte pas vraiment sur le thème du film : l'affrontement entre le cinéaste et son acteur-fétiche Klaus Kinski, mais sur cette mention a priori anodine : treize ans. Pourquoi ? Tout simplement parce que le même âge m'était apparu peu avant dans le billet de Rémi. Retour sur celui-ci :
Rémi mettait donc en évidence une coïncidence autour de cet âge de treize ans. La notice de Mubi, avec son "par le plus grand des hasards", me ravit extrêmement. Mais ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Reprenons cet excellent avant-propos de Steven Moore à l’œuvre de Brautigan : page 26, on peut lire ceci :
"Comme nous le révèle le poème "Tokyo/24th June 1976", il vit le jour le 30 juin 1935 à Tacoma, dans l’État de Washington. Il eut une enfance triste, marquée par la crise économique et les négligences d'une mère célibataire vivant le plus souvent des aides sociales. Il souffrit de malnutrition et fut brutalisé par la kyrielle de petits amis de sa mère. Brautigan ne vit que deux fois son père durant toute sa jeunesse. Il arriva que sa soeur et lui fussent placés dans une famille d'accueil, abandonnés à leur sort ou confiés à l'un de leurs beaux-pères violents. Brautigan dut attendre ses treize ans pour entrevoir une éclaircie, lorsque sa mère se remaria à un brave homme, mais ces expériences précoces l'avaient traumatisé et il n'en parla que rarement par la suite." [C'est moi qui souligne]A travers ses trois exemples, réunis sous l'égide des treize ans, c'est le thème de l'enfance malheureuse qui s'impose. Faut-il rappeler que le père de Georges Perec mourut d'un éclat d'obus le 16 juin 1940 et que sa mère fut raflée et déportée à Auschwitz le 11 février 1943 ?
L'enfance, c'est le centre aussi du récit de Ta-Nehisi Coates, son enfance dans les années 80 à West Baltimore, dans les quartiers minés par les gangs et le crack. J'ai lu ce livre porté par l'urgence, fiévreux et lyrique, en deux jours. Lisons donc le début du chapitre 5, This the Daisy Age.
" Je portais une chemisette bleu ciel, des baskets Travel Fox marine et un jean délavé. J'avais un sac à dos en toile vert façon tie-dye avec de fines cordelettes jaunes en guise de sangles. Dans le dos, des badges à la gloire de mes héros : Bob Marley, Marcus Garvey, Malcolm X. Trop stylé. Une coupe de cheveux qui avait deux jours à peine. Les contours si nets, les angles si tranchants qu'ils auraient pu scier les chaînes et libérer les esclaves. Il était probable que j'avais une croix égyptienne en bois au cou. Et tout aussi probable que j'étais armé de la Connaissance de Soi : The COINTELPRO Papers de Walt Churchill, ou A Panther Is a Black Cat de Reginald Major.J'avais treize ans, mais je descendis les marches de la véranda comme si j'étais le Fils de Dieu." [C'est moi qui souligne]
" J'avais treize ans. Je déteste me souvenir de notre maladresse l'un envers l'autre lors de cette dernière matinée où nous étions tendus au point que le portier le remarque ; à n'importe quel autre moment nous aurions discuté de manière plutôt aimable, mais ce matin-là nous n'avions pas grand chose à nous dire car j'avais été temporairement exclu du collège."[C'est moi qui souligne]Ces six apparitions des "treize ans" n'ont pas été collectées en plusieurs jours, non, elles furent rassemblées en quelques minutes : il m'avait suffi, à partir de cette première épiphanie de Werner Herzog, de puiser dans mes récents souvenirs de lecture.
Concluons par un dernier "treize ans", un septième" treize ans", celui d'un peintre célèbre apparu dans ces pages en ces dernières semaines :