La fois où j'ai passé les Fêtes dans le sud (5)

Publié le 11 janvier 2018 par Claudel

Rainbow Springs, 27-28 novembre

Heureusement Pierrôt-Sylvie m’avait averti : le camping n’est pas au même endroit que le parc. Le GPS indique l’entrée du parc, mais il faut encore parcourir sept milles pour trouver le camping.
Enfin un State park digne de ce nom : de l’espace, de l’intimité, du neuf, du rénové, pas de vieux bois pourri, pas de vieilles roulottes délabrées, peu ou pas de moustiques. Pas de wi-fi, pas de câble… et alors! Pas besoin, un couple de cardinaux nous accueille. Par contre, les prix commencent à ressembler au tarif des campings privés : 95,84 $ pour deux nuitées (dont 8,40 $ pour avoir réservé par Internet, mais comment faire autrement, je n’aime pas beaucoup rouler des kilomètres pour me buter à un camping qui affiche complet et devoir, à 16-17 heures, en chercher un autre)
Je voyage. Voir ailleurs, voir autrement.
En lisant aussi, je voyage. Mais comment me concentrer sur la lecture de La Captive de Margaret Atwood alors que je n’ai en tête que les ibis, les pélicans aperçus dans la journée. Comment être ailleurs quand tout est nouveau dans l’ici où je m’installe pour un jour ou deux? Comment m’intéresser aux « rendez-vous d’amour secrets aux pauvres bonheurs perdus » (Dora Bruder de Patrick Modiano) de personnages réels ou de fiction quand, sous les yeux, dans mes oreilles et sur ma peau, émergent de riches bonheurs retrouvés et des rendez-vous d’amour avec le soleil chaud et l’oiseau bavard? Comment écouter la voix intime du moi lectrice alors que le moi voyageur n’a de repos qu’une fois la tête posée sur l’oreiller et qu’il s’assoupit, le crayon à la main?
Je lève les yeux : des feuillus comme si j’étais chez moi, sur ma galerie arrière. Souhait réalisé : être là dans cet instant parfait où je ne vois que le vert des feuilles, le bleu du ciel. Être dans l’instant présent. Dommage qu’il faille pour ces instants divins rouler plus de 1500 kilomètres, affronter conducteurs parfois fous et traverser villes bruyantes et campagnes isolées, mais je ne regrette rien.
Je peux le faire, encore une fois. Je l’ai fait. J’y suis.


Des deux côtés de la rivière Rainbow

Il suffirait d’une passerelle pour visiter le parc lui-même, mais voilà, il faut reprendre le véhicule et revenir à l’entrée du parc.
Les sentiers asphaltés peuvent accueillir les personnes à mobilité réduite, Louise peut donc s’y promener en quadriporteur que les rangers appellent un scooter. Toutes nos félicitations aux responsables de l’aménagement et au premier propriétaire de ce grand parc, ils ont réussi d’excellents travaux paysagers. Même artificiellement créées, les chutes sont jolies et joyeuses, la « piscine » a été formée au bout de la rivière, grande et invitante. Pas de plage, quelques marches pour y descendre.
Comme Rachel Leclerc dans son poème L’ourse,
je m’avance jusqu’à la rivière.
Je m’assieds sur le banc et j’attends.
L’autre côté de la rivière, souvent plus beau. Curieuse du plus loin.
« De l’autre côté de mon regard » une maison, un terrain, une femme assisse, elle aussi. À rêvasser, comme moi, peut-être.
Une fin d’après-midi tranquille, des mots d’amour qui viennent
Pour l’eau, le ciel, les odeurs, le silence. « À côté de la beauté remuante ».
En voyage le silence et la noirceur se font rares.
Je les compte, je les conte.

Rainbow Springs state park, côté camping


Rainbow Springs state park, côté parc