Tiens, puisqu’on parle de l’âge : n’avez-vous pas été frappé par un paradoxe de notre société à ce sujet ? A peu près tout le monde est d’accord pour dire qu’aujourd’hui, 40, 50 voire 60 ans, dans nos pays nantis, c’est trop jeune pour mourir, on se dit que c’est trop bête, que la personne qui quitte notre monde pourri à un âge si peu avancé avait encore beaucoup de choses à vivre, ET POURTANT… Si on a le malheur d’être encore vivant à cet âge, on entend un tout autre discours ; en effet, à partir de 40 ans, on devient trop vieux pour à peu près tout : trop vieux pour retrouver du travail, trop vieux pour changer de métier, trop vieux pour refaire sa vie avec un autre conjoint, trop vieux pour reprendre des études, trop vieux pour apprendre quelque chose, trop vieux pour lire Fluide Glacial… Pour résumer, à partir de 40 ans, vous êtes censé être « rangé », avoir votre petite maison, votre petite femme (ou votre petit mari), votre petite voiture, votre petit travail, votre petit salaire, bref vos petites habitudes que vous êtes tenu de garder jusqu’à la retraite : en somme, vous êtes censé être déjà mort intellectuellement. Bien sûr, c’est une conception débile ; bien sûr, les contre-exemples affluent ; mais ne me dites pas que vous n’avez jamais entendu un tiers s’étonner qu’une personne d’âge mûr entreprenne de tourner une page, de mettre du nouveau dans sa vie, bref d’acquiescer au perpétuel renouvellement qu’est intrinsèquement la vie humaine.
Voilà le paradoxe du rapport à l’âge dans nos sociétés occidentales : quand vient la quarantaine, on est trop vieux pour continuer à vivre, mais on est encore trop jeune pour mourir. Pourtant, si on m’intime l’ordre de vivre comme un petit vieux quand j’aurai la quarantaine, je crois que j’aurai envie de me flinguer ! Déjà que continuer à vivre sans la voix de Dolores O’Riordan, ça ne donne que moyennement envie…
P.S. : Je signale aux lecteurs non-comprenants que le titre de cet article signifie « Plus besoin de plaider, sauf pour votre âge » et fait allusion à la chanson qui donne son titre au deuxième album des Cranberries, sorti en 1994, sur lequel on trouve notamment leur célèbre tube Zombie auquel je me félicite de ne pas avoir fait allusion malgré la forte tentation qu’éveille la triste circonstance…
Par Alterna2 http://www.alterna2.com